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l’alliance, mais l’alliance dans l’alliance ; l’union latine, avec l’union anglo-saxonne, dans l’alliance occidentale, qu’elle compléterait et couronnerait. Tant que l’Italie au moins n’en est pas, l’Occident, de la mer du Nord à la Méditerranée, n’oppose au premier contact du barbare qu’une demi-barrière. Il est donc urgent et indispensable que l’Italie entre dans cette alliance, y soit appelée et ramenée. On le sait, il y a des difficultés, et chacun ne fait pas toujours ce qu’il faudrait pour les aplanir ; bien des maladresses commises et bien des susceptibilités froissées, de part et d’autre, les aigrissent ; mais combien elles sont minimes, en comparaison du résultat qu’à l’avantage réciproque, on tirerait d’un loyal accord ! Pour une minute d’agacement, irait-on compromettre quatre années de sacrifices ? C’est le moment d’avoir de la patience, de n’avoir pas de nerfs, de toucher les choses dans leur réalité et de les mesurer dans leurs proportions. Ceux qui connaissent un peu profondément l’esprit italien savent que c’est un miroir qui demeure froid en réfléchissant des gestes courroucés et que ne brouille pas le souffle des verbes de flamme. On ne leur fera pas croire qu’à l’heure même où il importe le plus qu’il soit parfaitement limpide, la passion en ternisse l’acier. Dans les formations de l’Europe, telles qu’elles s’élaborent, l’Italie verra d’un œil infaillible qu’après ce qu’elle a fait, après ce qu’elle n’a pas fait avec les rancunes qu’elle s’est suscitées et les sympathies qu’elle s’est acquises, elle a une place, qui est, comme eût dit Dante, « sa place, sa place, sa place, » et qu’elle n’en a qu’une.

Cet examen de conscience terminé, retournons-nous vers l’Allemagne. Jusqu’à ces derniers jours, il semble qu’elle n’avait pas encore compris sa situation. Ce qui le montre, entre autres choses, c’est une étrange confidence du leader démocrate Haussmann : « Le 15 janvier, rappelle-t-il, j’ai déclaré à un Anglais liant placé que l’Allemagne était prête à négocier avec les parlementaires anglais, tels que lord Buckmaster, lord Runciman, lord Lansdowne, lord Haldane. Les députés Fehrenbach, Ebert, Haussmann étaient prêts à délibérer avec eux. » Ainsi, il y a cinq mois, deux mois après l’armistice, l’Allemagne, par la bouche d’un Allemand démarque, osait émettre la prétention de choisir non seulement ses plénipotentiaires, mais les nôtres. Maintenant même, elle n’a pas abandonné celle de discuter, de procéder à coups de mémoires et de contre-propositions : M. de Brockdorff-Rantzau en est à sa dixième note, et ce n’est, dans son idée, qu’une introduction. Cela fait, et quand, pendant la quinzaine réglementaire et la huitaine de grâce, ils" auront, ses collègues et lui,