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LETTRES D’EXIL
(1870-1874)


A Monsieur Verrion.


Pollone, 14 octobre 1870

Mon cher ami,

J’estime ainsi que vous ma candidature impossible.

La seule question pour moi est de savoir si je ne profiterai pas des élections pour adresser quelques paroles à la France, sous prétexte de candidature. Cela dépendra des circonstances dans lesquelles on se trouvera alors.

Je rédige, en effet, un livre sur mon ministère[1]. Il sera aussi concluant que mon 19 janvier pour les hommes de justice. Quant aux autres, je m’en préoccupe moins que jamais. Que m’importent leurs clameurs ! Ainsi on m’affirme qu’on m’accuse d’avoir emporté plusieurs millions. Or, comme j’ai placé les trois quarts de la petite dot de ma femme dans ma maison de Passy, qui probablement sera brûlée pendant le siège, en dehors de ma propriété de Saint-Tropez qui me coûte et ne me rapporte rien, il ne me restera que quelques milliers de francs, de quoi vivre dans la médiocrité, pendant quelques mois, jusqu’à ce que j’aie trouvé le moyen de me créer des ressources. Les plus acharnés, quand ils me verront condamné au labeur quotidien, reconnaîtront bien que je suis sorti de mon ministère comme autrefois de ma préfecture, non pas avec des millions, mais avec des dettes. S’ils ne le reconnaissent pas, tant pis pour eux ; je n’ai besoin de certificats d’honnêteté de personne.

  1. Ce livre, commencé en octobre 1870, fut abandonné par Emile Ollivier l’année suivante et il ne fut repris qu’en 1894 sous le titre de l’Empire libéral.