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courage et mis dans une assiette forte et patiente d’où je ne suis plus sorti.

Maintenant que deviendrai-je ? Comment renouerai-je une vie que je brise pour la troisième fois ? Aussi longtemps que je pourrai, je vivrai dans la méditation et l’étude. Si mes ressources matérielles, qui se rattachent presque toutes à l’affaire de Suez, venaient à me manquer, Dieu ne m’abandonnera pas assez pour me refuser les moyens de ne pas manquer à mes devoirs. Je redeviendrai avocat stagiaire comme il y a vingt ans, et peut être trouverai-je encore, pour me faciliter ma tâche, l’appui d’un nouveau Vatimesnil : car c’est à ce digne homme, je ne l’oublierai jamais, que je dois ma grande affaire de Guerry contre Berryer, comme c’est à Montalembert que je dois ma nomination à l’Académie.

Je ne vous remercie pas de votre fidélité à un ami vaincu : ce serait marquer que j’en ai été surpris, tandis que j’en étais sûr.


A Monsieur Castelli.

Moncalieri, 4 mars 1871.

Nous voilà dans l’abîme[1]. Nous en sortirons et nous aussi nous entrerons un jour à Belin. La seule pensée de ma vie sera désormais de préparer ce jour. Je n’ai souci ni de dynastie, ni de république, ni même de liberté. Une seule pensée, une seule passion, un seul but : la revanche nationale. Le monde fera bien de se hâter de jouir de cette paix, car il verra une bien autre guerre ! — Ou la France périra ou deviendra un État de second ordre, ou elle reprendra sa place et punira l’Allemagne. Dieu veuille que ce soit cette fois avec l’aide de l’Italie !


Au directeur de la Correspondance Slave à Prague.

14 mars 1871.

Monsieur,

Laissez-moi, quoique vaincu, vous exprimer ma reconnaissance pour la sympathie persévérante que vous avez témoignée à la France dans la malheureuse crise qu’elle traverse. J’en

  1. Après la capitulation de Paris.