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preuves de l’ingéniosité fureteuse des éditeurs et de leurs explorations de tous les « nids » possibles d’inédits. Au moins qu’il soit entendu que, à nous n’avons rien, c’est peut-être que tout a été détruit ou perdu, mais ce n’est sans doute pas qu’il n’y eût rien. De cette absence, pour la jeunesse de Bossuet, de toutes traces de relations sociales, gardons-nous de nous faire de cette époque de son existence une fausse idée, — l’idée d’une vie tout intérieure, étroitement laborieuse, muette parce que murée aux souffles du dehors.

Toute seule, — vous le savez bien, — la vraisemblance y répugnerait. Comment ! il n’aurait pas goûté la société humaine, celui qui, si souvent, plus tard, en célébra la douceur avec une éloquence émue ? Il se serait abstrait des événements ambiants, il n’eût pas participé aux curiosités discursives de la jeunesse intelligente, le panégyriste de saint Bernard, celui qui a peint les envols impétueux, les ambitions illimitées et chimériques des Jeunes, en des termes que l’on sent tout pleins d’une expérience d’hier et qui sonnent comme une confession ?

Puis, que l’on ne se trompe pas sur la façon de vivre des humanistes ou des théologiens d’alors, et des doctes compagnies où ils se groupaient. Que leurs titres désuets, leurs programmes d’études abstruses, leurs coutumes et costumes, latins et scolastiques, ne nous fassent pas illusion. Ils n’étaient pas séparés de leur temps. Les gros murs de leurs couvents ou collèges, de leurs sciences et de leur piété, avaient des fenêtres sur une actualité qui, en ce temps-là aussi, valait la peine d’être regardée et ouïe. Une tradition rapporte que Bossuet arriva de Dijon, pour commencer ses cours à Navarre, le jour même où Richelieu, après avoir fait tomber ses dernières têtes, rentrait à Paris par la brèche ouverte à sa « maison roulante. » Je ne vous prie point de croire que, dès ce jour-là, au déboîté, Bossuet ait couru voir la dernière « entrée » du terrible cardinal. Mais j’admets fort bien, sur les souvenirs de lui que recueillit plus tard son bon secrétaire l’abbé Ledieu, que, quelques jours après, il ne manqua pas d’assister à la pompe funèbre du cardinal, dont « l’impression, » nous dit l’abbé, « lui demeura très avant. »

Durant les sept années suivantes, mettons que Bossuet, candidat d’abord à la licence ès arts, puis au baccalauréat théologique, et pensionnaire au Collège de Navarre, n’ait voulu