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être que l’écolier qui « prépare » ses examens et ses concours, tout aux classiques latins et grecs d’abord, puis aux Pères de l’Eglise et aux théologiens ; — mettons que, dans cette assiduité absorbée, il ait réalisé le bot suetus aratro que plaisantaient ses moins studieux camarades… Mais, en 1648, la Fronde éclate. Or, de 1648 à 1650 précisément, ce sont, pour lui, les deux années d’interruption obligée des cours qui s’interposaient entre le baccalauréat et la licence ; — deux années pendant lesquelles les clercs étudiaient en liberté. — D’aucuns même, plus frivoles, comme Rancé, chassaient, faisaient des armes[1]. Bossuet, lui, voyagea en prêchant ; il alla à Metz, où son père lui avait fait une « position ; » à Dijon, dans son pays natal. Sur les routes de province, il dut voir ce qu’on voyait alors, et qui était souvent lamentable, les miséreux de Gallot, agonisant le long des chemins. Mêlé déjà ainsi à la vie provinciale, il le fut aussi à la vie de ce Paris qui fut bien six ou sept ans en demi-révolution permanente. Dans les inquiétudes des jours d’émeute, il eut lui-même un petit rôle. « Procureur » de la communauté des bacheliers du Collège, il gardait à la ruelle de son lit des sacs de farine.

Notez enfin qu’il n’y avait pas que la politique, et ses accidents plus ou moins graves, pour remuer alors et aérer rudement « l’enseignement supérieur » et le « quartier latin. » En ces temps de luttes, les dissensions religieuses ne chômaient pas non plus : Jansénisme contre Molinisme, moines et clergé séculier, Jésuites et Université, Ultramontains et Gallicans. Entre ces différents groupes adversaires, les motifs surgissaient, quotidiens, d’excitation et de combat, et les occasions non seulement de controverses doctes, mais d’altercations injurieuses, de procès en justice, de rixes même. Eh 1642, la question de la collation des grades agita si vivement ce petit monde que, — nous dit avec tristesse l’historien de l’Université, M. Jourdain, — « les effets en furent ressentis jusque dans les exercices scolaires. » Je le crois bien : au collège d’Harcourt, les élèves gallicans, très exaltés, jouaient publiquement, en une espèce de « drame satyrique, » le Procès des Jésuites, tandis que leurs régents semaient le bruit que les disciples de Loyola travaillaient à affamer Paris en exportant le blé à l’étranger.

  1. Voyez le P. Marie-Léon Serrant, L’Abbé de Rancé et Bossuet, Paris, Téqui, 1903, et sur ce premier Bossuet, Strowski, Revue Bossuet, II, p. 88 et suivantes.