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royal qui coule pour moitié dans ses veines. Dirons-nous que c’était le style habituel ? Mais c’est le devoir et l’art du génie d’échapper à certaines servitudes un peu viles… Que le cas de Henri de Verneuil ne scandalisait alors personne ? J’en doute. Je crois bien deviner ce que, au seul point de vue canonique, M. Singlin et M. Vincent pensaient de « grandeurs » de cette sorte, dont, au reste, je ne vois pas beaucoup d’exemples parmi ce clergé français du XVIIe siècle, qui était depuis assez longtemps déjà en voie d’épuration[1]. Et en admettant même que devant cette prélature, légale après tout et concordataire, un ecclésiastique discipliné put faire sans scrupule des génuflexions protocolaires, quel besoin pour Bossuet de rappeler au public quelle était la première source de la fortune de Mgr de Verneuil[2] ? — Sans chicaner, convenons que Bossuet n’a pas, à cette date, le sens de l’exacte mesure. Il en manquera peut-être d’autres fois encore.

Seulement, ce qu’il ne faut pas lui reprocher, c’est le geste, ni, non plus, si je puis dire, la quantité d’encens. Et cette indulgence, ce sont jugement les circonstances de la jeunesse de Bossuet qui nous la commandent.

Quand il écrit cette lettre, il possède à Metz, depuis 1642, le titre, la charge et les revenus de chanoine. Comment les avait-il reçus ? Longue histoire, dont les éléments furent rassemblés, il y a longtemps, par Floquet, mais de laquelle, peut-être, à plusieurs points de vue, on n’a pas tenu assez de compte.

Bossuet n’avait pas encore dix ans, quand sa famille s’était transportée de Bourgogne en Lorraine. Lors de la création, en 1633, par Louis XIII, du Parlement de Metz, le grand-oncle de Bossuet, Antoine Bretagne, en avait été nommé premier président. Choix intelligent, par parenthèse, car ce qu’il y avait alors à faire dans le pays de Metz, de Toul et de Verdun, c’était de maîtriser, avec une douceur ferme, le particularisme féodal,

  1. Je n’en vois guère qu’un seul : l’archevêque de Reims, Henri de Lorraine, duc de Guise, qui épousa, en 1639, Anne de Gonzague sa cousine. Quant à Nicolas François, cardinal de Lorraine, évêque de Toul, qui se maria en 1634, avec sa cousine Claude, ce fut, on le sait, par « des raisons d’État et pour la gloire de sa maison, » comme s’exprime le P. Benoit, capucin, historien de Toul : autrement dit, pour sauver la race.
  2. A la date où Gaston Henri de Verneuil naquit, la marquise de Verneuil ne pouvait plus espérer, depuis douze mois, d’être reine de France, Henri IV étant remarie. — Cf. le P. Gazeau, Études, juin 1869, p. 915.