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participants de l’autorité du pouvoir central… À ce double égard, la cause de l’abbé bourguignon était la bonne. Ou s’en rend bien compte lorsque, grâce principalement au résumé qu’en fit l’avocat général Louis Frémyn, on parcourt les arguments de l’avocat de Bossuet contre la prise de possession dont Bossuet veut et-va détrôner Saintignon.

« Ne sont-elles pas à la fois ridicules, scandaleuses et absurdes, ces coadjutoreries ? — Scandaleuses, car ce sont en réalité des ventes et achats d’un bien sacré, et comme l’a bien dit le Concile de Trente, des marchés « simoniaques. » — Ridicules, car qu’est-ce que cela, le coadjuvat d’un chanoine ? À quoi bon un coadjuteur, un aide, à ce dignitaire oisif qui n’a point charge d’âmes, point à prêcher, point de sacrements à distribuer aux fidèles, et de qui les obligations sont si légères : chanter deux heures par jour les louanges de Dieu dans sa stalle subobscure ; assister à l’office, si encore il ne s’en dispense pas, comme le font, on le sait, fort librement les chanoines, « sous prétexte que les chantres gagés suffisent… » Et l’avocat de Bossuet s’égaie » « Voyons ! qu’on ne nous en impose pas avec les « devoirs et fonctions » de ces prétendus « esclaves de la règle : Canonicus a canone ! » Où est-il ce chanoine idéal de l’étymologie ? Qu’on le montre, cet « oiseau rare ! »

Il est illogique enfin, au regard de tout droit, ce droit prétendu, qu’a exercé indûment Jean Berton. Un chanoine ne doit pas pouvoir « adopter » une personne pour la constituer, arbitrairement et par avance, héritière, d’un de ces bénéfices qui ne lui appartiennent pas et dont le bon sens juridique, — ecclésiastique ou laïque, n’importe, — réprouve également la transmission héréditaire. Le défenseur de Jacques Bénigne parle sur ce point le même langage que, trente ans, plus tôt, sous Louis XIII, le prévôt Robert Miron.

Mais il parle aussi le langage des légistes du nouveau règne, celui d’Orner Talon, de Le Bret et de Bossuet lui-même, plus tard. Il parle en gallican. Saintignon s’appuyait sur ce que le statut canonial messin de 1611 était conforme à « l’autorité du Pape » qui tolérait et approuvait les coadjuteurs de chanoines… « Que vient faire ici le Pape ? » réplique à peu près textuellement le défenseur de Bossuet. « Le Pape a-t-il pu déroger aux Concordats comme aux Conciles ? Ce serait là une