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à la racine de l’autorité doctrinale, au premier rang de la hiérarchie, à la base de la solidité catholique, Bossuet, dès vingt-deux ans, plaçait, non le Pape, mais les Évêques. Sa thèse, passée inaperçue, entamait pourtant et diminuait la prérogative du Saint Siège ; elle attestait chez Bossuet les mêmes opinions que chez son heureux avocat de 1640.

On voit donc toutes les raisons qu’il avait de faire cette dédicace à Mgr le duc de Verneuil et de la faire aussi violemment élogieuse. Bossuet déclarait ainsi à la fois sa gratitude, son dévouement, — et ses convictions. Arrivant à Metz pour longtemps, il s’y classait d’abord et s’y posait nettement en champion gallican de l’œuvre d’unification centralisatrice du Souverain, Cet hommage ultra-généreux au chef du diocèse précisait, comme un manifeste, avec sa victoire passée, son attitude future. Sûrement, à faire savoir qu’il était du côté de l’évêque, il mettait quelque excès de confiance, quelque outrance de défi ; eût-il pu donner les preuves qu’il était depuis si longtemps, — dudum, — le client du triste Monseigneur, et n’y avait-il pas une complaisance excessive à se réclamer publiquement comme de son præesidium ordinaire, de ce protecteur taré ? Il faut avouer du reste que, dès l’année suivante, le prélat récompensa son panégyriste en lui conférant une dignité nouvelle : l’archidiaconat de Sarrebourg. En tout cas, nous saisissons bien, je pense, le sens de cette lettre un peu étrange, qui restera peut-être longtemps au seuil de la Correspondance. Elle est, si nous pouvons dire, la carte, de visite de Bossuet, — favori du pouvoir royal et épiscopal, arrivant à Metz, — à l’adresse tout ensemble des parlementaires de Toul ou de Metz, qui tout bas tenaient rancune à son père, et des chanoines revêches, tentés de regarder de travers le jeune et brillant intrus qui allait devenir pour longtemps leur collègue et cohabitant effectif.


VI. — BOSSUET S’INSTALLE A METZ

C’est à la fin de juin 1652 que le jeune docteur de Sorbonne, ordonné prêtre à Paris le 16 mars, entra à Metz, — où il était déjà venu à plusieurs reprises[1], — cette fois pour

  1. Notamment pour y recevoir le diaconat (21 septembre 1649) des mains de Mgr dom Pierre Bédacier, suffragant de Metz.