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Les deux unités préparées en Algérie pour participer à un conflit européen ne furent pas toutefois les seules troupes sénégalaises engagées en 1914 sur notre front. Les mesures énergiques prises sans retard au Maroc par le général Lyautey avaient libéré du monde et permis l’envoi en Europe de forces employées dans le protectorat chérifien. Du nombre, se trouvait, notamment, le 3e bataillon du Maroc, — bataillon Frèrejean, — venu de Taza en Champagne, puis, par autobus, dans les Flandres. Mis, le 24 octobre, à la disposition du général d’Urbal, commandant la 8e armée, il y forma régiment, sous les ordres du commandant Pelletier et, après mise hors de combat de ce dernier, du commandant Frèrejean, avec les deux bataillons d’Algérie, dont il partagea le sort : comme eux, sur l’Yser, il fondit tout entier dans la bataille. Ce serait tomber dans des redites que d’en narrer le détail. Quelques autres corps venus du Maroc suivirent un peu plus tard. A tous ceux de cette origine, s’applique cette remarque du connaisseur qu’est le colonel Debieuvre, qu’ils ont « fait bonne figure. Très aguerris, on aurait pu leur reprocher (mais personne ne l’a fait) un manque de fini dans l’instruction. »

Malheureusement, on ne put s’en tenir à ces unités solides. L’impréparation d’avant-guerre portait ses fruits. A bon droit, les spécialistes des troupes noires avaient-ils, dès longtemps, redouté par avance l’emploi probable, sous le fouet des nécessités, non plus de troupes dressées, mais de « bandes de recrues » noires sur les champs de bataille européens : résultat fatal de la précipitation succédant à l’inertie.

La mobilisation eut en effet, comme au Maroc, sa répercussion en Afrique occidentale. M. Merlaud-Ponty, gouverneur général de cette patrie des troupes noires, s’efforça tout aussitôt de rattraper un temps qui n’avait pas été perdu par sa faute. Ramassant ce qu’il put trouver de forces disponibles à sa portée, au Sénégal, en Mauritanie, dans le bas Soudan, il s’en servit pour encadrer ce qui se rencontra de recrues, ouvriers sans travail, flâneurs de profession béant au soleil sur les quais de Dakar, Du tout naquit un régiment, qui s’embarqua tel quel pour la France. Il contenait, comme tout autre effectif, de l’excellent et du pire, mélange dont l’emprise spéciale de notre