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y était dans les mains tudesques, et, par une faute que l’esprit de parti explique sans l’excuser, il s’était trouvé un gouvernement qui, pour renforcer le chiffre de ses électeurs, avait accordé en bloc la naturalisation belge à toute cette légion étrangère. Nos plages étaient visitées tous les ans par plus de 20 000 Allemands, qui s’y considéraient comme chez eux. Placés au confluent de deux civilisations et partagés par moitiés à peu près égales entre deux races, nous faisions au génie germanique une large place dans notre vie intellectuelle. Nous appelions les savants allemands dans nos universités. Nos jeunes docteurs allaient passer une année à Paris, l’autre à Berlin ou à Leipzig. Quantité d’enfants belges fréquentaient les écoles que la colonie allemande avait ouvertes à Bruxelles et à Anvers. Nous prenions volontiers les leçons de l’Allemagne ; nos congrès de matines étaient nés sous ses auspices et l’influence allemande était visible dans nos congrès des œuvres sociales. Nous avions un Deutscher Verein à Arlon et un Schiller Verein à Liège ; l’Académie royale de Belgique décidait que l’allemand était une des quatre langues admises dans ses publications. La Commission royale d’histoire imprimait des dissertations écrites en allemand qui lui étaient envoyées d’Outre-Rhin.

Nos voisins de l’Est n’avaient donc pas à se plaindre de nous. Nous tenions la balance égale entre eux et la France. Et si, dans les parties wallonnes du pays, des sympathies pour la France trouvaient parfois une expression peu en rapport avec les devoirs que nous imposait notre situation internationale, en revanche l’Allemagne rencontrait dans nos régions flamandes, parmi les éléments exaltés du parti dit flamingant, des partis sans bien autrement sérieux que les Wallons ne l’étaient de la France. Sans doute, il s’était rencontré quelques Belges qui avaient fêté bruyamment le centenaire de la bataille de Jemmapes, moins d’ailleurs par amour de la France qu’en haine de notre gouvernement catholique. Mais il paraissait à Bruxelles, depuis 1898, une revue intitulée Germania, qui était à proprement parler un organe pangermanique, et auquel collaboraient, sans trop apercevoir la portée de leur action, des Flamands éminents. En un mot, tout ce qu’il pouvait y avoir d’excessif dans les sympathies françaises de certains Wallons trouvait un contrepoids dans l’amitié tudesque professée par