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d’impétuosité dans le choc, même contre les mitrailleuses en action. C’est ainsi qu’au moment où le centre de la ligne d’attaque de la…e division, quittant le ravin du Bazil, son premier objectif, arrivait sur le versant ouest de la Fausse-Côte, toute la ligne accueillie par des feux de mitrailleuses, stoppa. Devant l’intensité du feu, les hommes de la première ligne se couchent dans les trous d’obus et la fusillade s’engage. Les 1re et 3e compagnies de tirailleurs sénégalais, placées en deuxième ligne, continuent à progresser. Elles arrivent à hauteur de la première vague d’assaut, la franchissent dans une ruée superbe et se précipitent sur les mitrailleuses allemandes qu’elles enlèvent. Entraînée par le magnifique élan des Sénégalais, toute la ligne se relève, les Allemands jettent leurs armes et se rendent. Toute la position allemande est enlevée…

Les unités indigènes coloniales qui ont pris, part à l’attaque de Douaumont, conclut le rapport général, étaient composées de recrues non instruites… Des cadres manquaient en général d’expérience et peu de gradés avaient vu le feu. Beaucoup venaient de la cavalerie et n’avaient des indigènes qu’une pratique toute récente. En outre, ces bataillons n’avaient pas de mitrailleurs et leurs tirailleurs étaient peu familiarisés avec le fusil-mitrailleur et l’obusier V. B.[1]. On ne pouvait donc songer à laisser groupés les bataillons… et chaque compagnie indigène formait la quatrième compagnie d’un bataillon européen. Ces compagnies furent, en général, placées en seconde ligne. Mais, après avoir atteint le premier objectif, la seconde ligne passa la première, puis la dépassa et marcha sur l’objectif définitif. Ces compagnies indigènes se trouvaient ainsi en première ligne, après avoir exécuté sous le feu une manœuvre assez délicate.

L’expérience du 24 octobre s’est donc déroulée sur une très vaste échelle et nous avons, sur la conduite des Sénégalais et des Somalis, l’opinion d’un grand nombre d’officiers supérieurs qui les ont commandés directement au feu. Elle est unanime et parfaitement concluante et nous savons que des bataillons sénégalais, peu instruits, composés de jeunes recrues et encadrés médiocrement, peuvent être amalgamés avec de bonnes troupes européennes, que ces troupes soient métropolitaines ou coloniales (et cette dernière circonstance élargit singulièrement leur possibilité d’emploi). Ainsi utilisées, les unités indigènes de nos colonies donnent des résultats supérieurs à ceux qu’on pouvait attendre. Elles introduisent dans les régiments européens une émulation de bon aloi. Elles y apportent leur fougueuse ardeur au combat corps à corps. Elles y prennent rapidement les qualités, manœuvrières qui leur manquent au début.

  1. Ou tromblon V. B. Engin qui se monte à l’extrémité d’un fusil Lebel et que le départ d’une cartouche met en action.