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extérieures, qu’il avait présidées, notre actuel Premier avait vu s’amasser sur nous le formidable orage auquel la trahison russe allait nous obliger à faire tète. Toujours préoccupante, la question des effectifs devenait, du coup, la plus lourde de ses responsabilités. Notre heure était venue, comme disait M. Lloyd George, « de carrer les épaules et de serrer les dents, » appelant à l’aide toutes nos ressources.

Nombre de personnalités politiques, comme on sait, n’avaient pas souscrit aux sanctions prises, en mai 1917, contre le général Mangin, auquel on ne pouvait « reprocher, écrivait M. Clemenceau à un personnage important dans l’Etat, que d’être un soldat. » Appréciation garante d’une estime sur laquelle les récriminations d’un certain parti à la Chambre dispensent de secret. Un des premiers soins du nouveau Président du Conseil, en prenant la conduite des affaires, fut de faire procéder à l’examen de notre recrutement colonial. Les résultats de cette enquête conduisirent à l’établissement d’un programme nouveau d’action. Il en sortit huit décrets datés du 14 janvier 1918, lourds d’une nouvelle moisson de baïonnettes africaines. Le 8 février suivant, le Bayerischer Kurier, feuille officieuse répandue dans l’Allemagne du Sud, en exprimait son déplaisir, s’en émouvant au nom, bien entendu, « du droit et de l’humanité, » intéressés, paraît-il, à ne pas laisser battre les sauvages à peau blanche, destructeurs de Louvain et de Reims, par d’honnêtes paysans venus des bords du Niger, mais noirs.

La place manque ici à l’examen des mesures d’exécution prises par l’Administration des Colonies. Toutes témoignent d’une grande bonne, volonté. D’aucunes, de quelque candeur. Peu de médaillés militaires soudanais, par exemple, échangeront, espérons-le, après la campagne, contre la qualité, sans emploi dans leurs brousses natales, de citoyen français, la renonciation à leur millénaire statut personnel, qui est hiérarchie familiale solide et polygamie propice à multiplier les fils à leur foyer. Ils feraient marché de dupes. L’heure n’est point venue de toucher aux sources de peuplement, en ces pays où, de par la traite européenne d’antan, les conquérants noirs et la nature démesurée encore invaincue, les morts sont allés si vite ! Toutefois, des dispositions prises, l’une, toute nouvelle, foncièrement libérale, fut, elle seule, plus efficace que toutes les autres réunies. Les opérations de recrutement avaient, en