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telle qu’il parait avéré que pendant cette session M. de Bethmann-Hollweg, revenant d’un voyage au grand quartier général, s’arrêta à Strasbourg pour réchauffer le zèle de ses subordonnés. Enfin, le président de la Chambre basse, le docteur Ricklin, crut nécessaire de sauver, par cette concession, l’avenir politique du pays. Le 12 juin, pour la clôture de la session, il fit, sans l’assentiment de ses collègues, un discours dont il porte seul la responsabilité. Après avoir invoqué les « indicibles souffrances » de l’Alsace-Lorraine, il disait : « La population de l’Alsace-Lorraine repousse absolument l’idée que cette atroce effusion de sang soit continuée à cause d’elle ; elle n’aspire à rien de plus qu’à développer l’avenir de sa culture, de ses intérêts économiques et politiques en maintenant dans son union indissoluble avec l’Empire allemand, la situation particulière à laquelle elle a droit. » Il conclut en réclamant l’égalité de droits avec les autres États de l’Empire.

Ces paroles furent écoutées, en silence et avec surprise par ceux des membres de l’Assemblée qui étaient encore présents. (Beaucoup, surtout parmi les Lorrains, éventant le piège, étaient déjà sortis). Seuls deux ou trois socialistes allemands, entre autres M. Emmel, dirent : « Très bien. » Cette faible manifestation fournit le prétexte attendu pour invoquer l’approbation de l’assemblée.

Ces déclarations, immédiatement exploitées par la politique allemande, qui les fit connaître au monde entier, laissèrent dans l’esprit des hommes politiques français une trace ineffaçable. L’ignorance où l’on était de la véritable situation ne permit pas du distinguer la cause du Landtag de celle de son président ni de reconnaître les mobiles de celui-ci. Il avait cherché à atteindre l’opinion publique allemande, et cette tentative provoqua quelque appréhension de la part du gouvernement de Strasbourg, à en juger par le rapport que le Statthalter, M. de Dallwitz, adressait à M. de Bethmann-Hollweg, chancelier de l’Empire. Après avoir signalé « l’appréciation erronée de l’état d’esprit du pays d’Alsace-Lorraine et du Landtag, provoquée dans l’opinion publique allemande par la manière dont les discours des deux présidents ont été répandus, » il ajoutait : « Mais si, après l’attitude générale dans la dernière session, de l’écrasante majorité des députés du Landtag (nach dem Gesamtverhalten der überwiegenden Mehrheit der