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elle l’avait réussi. Au total, l’Allemagne ne se résigne à perdre que ce qu’elle n’a pas gagné. Elle veut bien y être du nôtre, mais non du sien.

Il ne serait guère embarrassant de reprendre tous ses arguments-et de les réfuter un par un ; mais il va, dans la position réciproque des Alliés et de l’Allemagne, une réponse beaucoup plus facile et beaucoup plus topique encore, qui est de ne pas répondre. On n’a déjà que trop répondu ou correspondu. On a, en particulier, répondu à la note allemande sur la Sarre, et cette réplique (dans laquelle on a du reste, paru trop aisément admettre le caractère « foncièrement allemand » de la région, n’ayant pas même pensé à objecter que Sarrelouis ne s’est jamais appelé Sarreguillaume) s’est terminée par une concession fâcheuse. On a répondu à une autre note sur la future organisation internationale du travail, et la conclusion de la réponse a été une autre concession à l’Allemagne, à laquelle on a laissé entrevoir qu’on ne la ferait pas attendre longtemps à la porte. Prenons garde que le goût de la polémique chez celui-ci, l’habitude de la controverse chez celui-là, la richesse d’imagination et le vague de l’esprit chez un troisième, n’entraînent les plénipotentiaires de l’Entente à des conversations qui, pour être écrites, n’en seraient pas moins dangereuses, au contraire. Décliner l’entretien, c’est parfait, pourvu qu’on dérobe tout à fait le for, qu’on refuse à la fois la plume et la langue. Non content d’écrire, le comte de Brockdorff-Rantzau. prolixe même pour un Allemand, désirerait encore parler. Nous induire en cette tentation, t’était, au fond, le véritable objet, le bu immédiat et pratique, de sa lettre d’envoi. « Un débat fructueux et utile, remarque-t-il captieusement, ne pourrait avoir lieu que par des conversations verbales. Cette paix doit être le plus grand traité de l’Histoire. Il n’y a pas d’exemple que des pourparlers aussi vastes n’aient été menés qu’en échangeant des notes écrites. » A quoi aussi la réponse est facile, catégorique et courte : « Non (en français et en anglais) ! Vous avez maintenant quatre jours pour signer. » Souvenons-nous que l’armistice est du 11 novembre 1918 : si l’on voulait « causer, » voilà plus de six mois qu’il fallait commencer. On est parti de l’idée d’une paix « dictée; » ce n’est pas au fait d’une paix marchandée qu’on peut arriver.

Cette paix, telle qu’on nous a permis quant à présent de la connaître, ne nous enchante pas, elle ne nous comble pas : avouons-le franchement, elle nous satisfait à peine. Nous ne nous en cachons pas, et nous n’en cachons pas l’insuffisance et les faiblesses. Quand elle sera signée, telle quelle, elle ne sera pas faite. Pendant quinze