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à Dantzig ; la ville même a été retranchée de l’Allemagne parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen possible de fournir ce « libre et sûr accès à la mer » que l’Allemagne avait promis de céder. »

Mais il est aisé de se représenter que l’Allemagne ne pourrait résister à la tentation de jouer sur l’adverbe « indubitablement. » Sa Délégation s’en est fait un devoir. « L’État polonais, gémit-elle, se voit attribuer des portions plus ou moins importantes des provinces prussiennes de la Prusse orientale et occidentale, de la Posnanie, de la Poméranie et de la Silésie, qui ne sont pas indiscutablement habitées par une population polonaise… Sans distinction, on concède à la Pologne des territoires qui en ont été détachés à diverses périodes et sur lesquels elle n’a même jamais exercé sa domination. » Cela serait vrai, avant tout, de la Haute-Silésie. « Depuis 1163, la Haute-Silésie n’a plus aucun contact polonais avec le royaume de Pologne. On ne trouve dans la Haute-Silésie aucune tradition, aucun souvenir polonais. L’habitant de la Haute-Silésie ignore tout de l’antique passé et de l’histoire de la Pologne. » Il ignore peut-être même comment Frédéric II, aussitôt sur le trône, réunit par violence la Silésie à ses États, qui étaient encore misérables. Mais, si cet habitant, qui ne sait rien de ses origines, avait la curiosité de s’informer, il apprendrait que la Silésie, quand « elle n’eut plus de contact polonais, » dépendit, dans la fin du XIIIe siècle et le commencement du XIVe siècle, de la couronne de Bohême ; que, dans la fin du XVe siècle, Mathias Corvin, roi de Hongrie, l’enleva à la Bohême, en même temps que la Moravie et la Lusace ; que finalement, en 1526 ou 1527, elle passa, avec la Bohême elle-même, la Lusace et la Moravie, à la maison d’Autriche, de qui le grand Frédéric ne la reçut en 1740-1741 que parce qu’il la lui arracha. En sorte que, si quelque ancien propriétaire pouvait élever sur elle une légitime revendication, ce serait ou la Pologne, ou la Bohême, ou l’Autriche, mais non la Prusse, sauf en vertu de l’insoutenable paradoxe historique d’après lequel elle se prétend l’héritière du Saint-Empire. Dans l’espèce, elle n’hériterait que de ce qu’elle a volé, et « peut-on hériter de ceux qu’on assassine ? » L’Allemagne, au titre prussien, si ce n’est au titre impérial. conteste néanmoins à la Pologne tout titre juridique à la revendication de la Silésie, sans en reconnaître aucun à la Bohême, ni à l’Autriche. La seule chose, à son avis, qui ne se périme pas dans l’histoire, c’est le bénéfice de la rapine prussienne. Elle appelle à son secours la statistique électorale, la linguistique, les intérêts