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issaient de leurs tranchées, baïonnette au canon, par les « chicanes » aménagées dans leurs barbelés, s’étalaient en tirailleurs sur la plaine et fonçaient devant eux au pas gymnastique, la tête baissée, le dos courbé, le fusil dans la main droite et tenu par le milieu. Ils n’adoptèrent une autre formation d’attaque que dans le segment du Boterdyck inférieur. Aussi bien, quoique uniformément vêtus de gris, certains détails de leur équipement révélaient des origines différentes. Dans le segment de Nieuwendamme, par exemple, les troupes d’assaut, qui arboraient le shako de cuir bouilli et qui étaient sorties par sept ou huit coupures de la tranchée entre la digue de Nieuwendamme et le vieil Yser, appartenaient au 3e régiment d’infanterie de marine commandé par le lieutenant-colonel von Berhnud : se portant en avant par essaims d’une dizaine d’hommes, elles procédaient par petits bonds de 10 mètres, à la façon des kanguroos, dont elles avaient le pelage et la taille, et, après chaque bond, fait sous le couvert de leurs mitrailleuses qui tiraient de la maison C (Nord du coude de l’Yser), de la ferme de Nieuwendamme et de la tranchée allemande de départ, elles s’aplatissaient dans le trèfle et n’en bougeaient jusqu’à nouvel ordre. Dans les segments voisins au contraire, l’attaque était montée par des fantassins en casque à pointe qu’on sut être plus tard des éléments de la 44e D. I. R. Mais, fantassins ou soldats de marine, casques à pointe ou shakos, les uns et les autres, « après l’effroyable préparation d’artillerie à laquelle ils venaient de se livrer » (Mérouze), croyaient si fermement nous avoir anéantis qu’ils sortaient de leurs terriers le havresac au dos, la couverture en bandoulière, gonflés de musettes, de cartouchières et de bidons, comme des troupes qui vont prendre la relève d’un secteur. Peut-être, en outre, croyaient-ils notre front fort appauvri par les prélèvements que le général Putz y avait faits le 23 avril. Leur confiance s’en accrut et, quand les officiers leur eurent dit d’emporter des vivres de réserve pour trois jours, ils ne doutèrent plus qu’ils allaient simplement occuper une position déjà conquise ; ils se lancèrent vers nous comme des « somnambules », sans dévier d’une ligne, sans regarder à droite ni à gauche, déployés en plein soleil sur un terrain plat comme un stand où chacun d’eux faisait cible et ne prenait même pas toujours la précaution de se baisser.

Les salves de mousqueterie qui les accueillirent sur tout