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de sacs de sable. Roucy cependant envoyait des patrouilles reconnaître le terrain devant lui et à sa droite : une sur la plaine ; l’autre vers la tête de pont allemande, qui poussa jusqu’à 250 mètres sans trouver âme qui vive ; et la troisième vers la ferme de l’Union pour chercher la liaison avec la 9e compagnie. Partout le terrain était libre. Et les patrouilles revinrent sans incident.

La 9e compagnie, qui attaquait à la droite de la 5e, ne rencontrait pas une résistance plus sérieuse sur la Ferme de l’Union. À neuf heures et demie du soir, tandis que l’officier des équipages Fichoux se déploie en crochet défensif dans la prairie pour parer à un mouvement de l’ennemi sur notre flanc, la lre section (capitaine Béra), précédée de quatre éclaireurs, fait un bond et vient avec ses pionniers border le canal perpendiculaire n° 1 en avant du champ de colza ; les deux autres sections « décollent » à leur tour et parviennent devant le canal, simple ruisseau à l’ordinaire dont les pluies ont porté la largeur à huit mètres. Les passerelles n’en mesurent que quatre, gros embarras dans la nuit et avec le silence absolu qu’il faut observer. Sur la partie débordée du canal, « on n’a de l’eau que jusqu’aux mollets. » Mais, dans le lit du canal, l’eau atteint 1 m. 80. Reste à savoir où ce lit commence. Un volontaire est demandé pour l’aller reconnaître. Deux se présentent : le quartier-maître Delahaye et le matelot Bohel. Leurs indications permettent d’établir les ponceaux à proximité du point où ils ont plongé et qui est le seul passage un peu critique. Le capitaine Béra, familier des aroyos chinois et taillé lui-même comme un guerrier mandchou, prête la main aux pionniers, dont une partie opère sous la direction de l’officier des équipages Dévisse et l’autre sous celle du deuxième maître Lérant. L’obstacle est franchi : la compagnie en a été quitte pour un simple bain de pied. Deux de ses sections obliquent aussitôt par la prairie vers la route de la ferme, se déploient en tirailleurs le long du ruisseau qui suit cette route, une section en face de la ferme, l’autre un peu en arrière, la troisième demeurant sur le canal perpendiculaire pour protéger la retraite en cas d’échec. À ce moment, une mousqueterie assez vive déchire la nuit, mêlée à des moulinets de mitrailleuse. Le bruit semble venir des batteries de la ferme[1], mais, après observation, on reconnaît qu’il

  1. Le rapport officiel dit même qu’il en vient. C’est une erreur.