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par lequel la 3e compagnie en réserve put se porter en soutien des 8e, 9e et 11e compagnies.

Les pertes étaient déjà grandes dans ces compagnies. Plus de blessés heureusement que de tués et, parmi les premiers, le capitaine Béra atteint à l’épaule. Elles n’épient rien cependant à côté des pertes qu’allait nous faire subir le nouveau bombardementet dont la plus sensible fut celle de l’enseigne Le Hécho, anéanti en lre ligne avec 5 hommes de sa section dans la tranchée qu’occupait la 8e compagnie à gauche de la route de Lombaertzyde. C’est que, cette fois, les torpilles tombaient par quatre et cinq en même temps. Il devenait impossible de les repérer, au point qu’on dut crier un moment : « Torpilles partout ! Sauve qui peut ! » Les tranchées n’étaient plus qu’un volcan. Les hommes ne se voyaient même plus au milieu de la fumée ; les éclats volaient de tous côtés et retombaient « en pluie » sur les casques bosselés, troués comme des écumoires ; un cadavre boche, devant la tranchée de la compagnie La Fournière, « fut projeté sur nos fils de fer et se cassa en deux. » On était « abruti, » dira Luc Platt ; on « ne se garait plus, » on tirait machinalement, par une sorte de réllexe, sans voir, sans viser, une seule pensée plantée dans la tête de ces hommes, dominant tout : empêcher les Boches de « sortir. »

« Ils ne sont pas sortis, écrira triomphalement Luc Platt. À 4 h. 15, le dernier obus tombait, » la dernière torpille battait son entrechat et tout rentrait soudain « dans le calme. » Après quelques minutes d’attente, les hommes remisèrent les grenades dont ils s’étaient approvisionnés en prévision de l’attaque. Le jour, — un vrai jour de Vigile des Trépassés, — sombrait dans un crépuscule blafard, noyé de brume. Nos pertes étaient d’une quarantaine d’hommes mis hors de combat, tués ou blessés[1]. Toute la nuit, des lignes boches, s’élevèrent des fusées, comme si l’ennemi, qui n’avait pas osé se porter à l’attaque, eût craint de nous voir prendre l’offonsive à sa place. Mais la « corvée » des fusiliers touchait à sa fin. À 8 heures du soir, les tirailleurs tunisiens prenaient la relève, et les quatre compagnies de marins, sous une pluie ruisselante, filaient par Nieuport et le Bois Triangulaire, vers leurs cantonnements res-

  1. 80, d’après certains carnets, 35 dont un territorial, d’après le commandant Bertrand, 8 tués et 25 blessés, d’après le commandant Louis, 8 morts et 51 blessés, d’après le commandant Mauros. Nous avons fait une moyenne.