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ordre d’importance, était, et tout bien pesé, demeure pour nous la première. A quoi, en effet, nous servirait-il de rebâtir et de remeubler notre maison, si nous n’en tenons pas les portes, si nous n’en avons pas les clefs, si elle est ouverte à tous les passants, et aux pires passants, aux larrons et aux maraudeurs ? On essayait de nous en consoler, on nous disait : « Nous n’avons point la frontière militaire, c’est-à-dire la garde permanente et perpétuelle du Rhin ; cette sûreté positive, l’occupation, à demeure, des têtes de pont de la rive droite ; mais nous avons du moins, à perpétuité, une sûreté négative : la « démilitarisation » de la rive gauche et d’une zone de 50 kilomètres à l’Est du fleuve ; et un commencement de sûreté positive : l’occupation, pendant quinze ans, des territoires de la rive gauche et des têtes de pont sur la rive droite du Rhin ; occupation qui, non interrompue, pourra se prolonger et, même interrompue, pourra se reprendre. Pendant ces quinze années, les millions d’hommes qui en Allemagne ont fait la guerre, auront disparu, vieilli, dépassé l’âge militaire ; le Reich n’aura plus que ses forces de police, ses 100 000 professionnels. A supposer que ce soient, comme certains le craignent, les cadres d’une nouvelle armée, il n’y aura, dans quinze ans, rien à mettre dedans que des recrues dont l’Allemagne n’est pas autorisée à faire l’instruction. »

Voilà ce qu’on disait, ce qu’on dit encore. Mais il reste que l’occupation militaire pourra, si l’Allemagne a satisfait à ses obligations, avant l’expiration de ce délai même de quinze années, « prendre fin « immédiatement ; » et que si, « à une date plus rapprochée, » elle a donné « des preuves de sa bonne volonté, » elle pourra prendre On « plus tôt. » Il reste, en conséquence, que dans quinze ans au plus tard, avant quinze ans selon toutes probabilités, bien avant, il y a des chances, nous nous retrouverons dans notre maison mal close, clans nos frontières mauvaises ou médiocres, face à face avec l’Allemagne plus unie, plus concentrée, plus homogène que jamais, n’ayant de fossé, pour nous séparer d’elle, que de Huningue à Lauterbourg, rien que sur la longueur de l’Alsace. Or, quinze années, c’est également le délai dans lequel se posera, par voie de plébiscite, la question du bassin de la Sarre.

Au lieu d’une frontière militaire, nous avons deux traités d’alliance ; l’un avec l’Angleterre, qui est ratifié, l’autre avec les États-Unis. M. Lloyd George, l’autre jour, à la Chambre des Communes, discutant le point contesté de « l’efficacité de la Société des Nations, » a dit : « Non, ce n’est pas par manque de confiance dans