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plus exactement, « la frontière militaire, » car, sous ce terme indéfini : « la frontière occidentale, » les interlocuteurs auxquels on s’adressait ont pu s’imaginer autre chose que la seule chose qui fût en question, la frontière militaire, marquée par l’occupation permanente et perpétuelle des six têtes de pont principales sur la rive droite du Rhin et la garde, en arrière, des principales voies de communication. Mais il suffisait de s’expliquer, et même sans explication, de chaque paragraphe, de chaque ligne, dès le début, nette, tranchante, presque impérieuse, la vérité sautait aux yeux : on serait tenté d’écrire qu’elle sautait à la gorge.

Du 25 février au milieu de mars, le Gouvernement français s’y est tenu, comme on se tient à la certitude, à l’article de foi, inébranlablement. Ce n’est que vers le 15 mars que, sur ce point essentiel, il a commencé à fléchir. Pendant ces trois semaines, que s’était-il passé ? Un mémoire postérieur, et assez récent, — de la fin de juillet ou des premiers jours d’août, — nous aide à nous en rendre compte (de même que l’autre, il figure à la suite du rapport de M. Barthou). Certains de nos alliés et associés ont élevé des objections, avoué des inquiétudes. « La frontière occidentale » de l’Allemagne au Rhin, c’était, à leur avis, une cause constamment active de querelles et de conflits, une chance de guerre créée et entretenue à plaisir. En restreignant même au plus strict nécessaire les charges de l’occupation, la paix serait chaque jour à la merci d’un incident. On concevait très bien que nous fussions payés, ou plutôt que nous eussions payé pour nous méfier, et qu’il nous fallût nous assurer une défense contre un retour offensif de l’Allemagne. Tout ce que nous voudrions, mais pas une défense de ce genre. Tout, mais pas le Rhin. On nous avait suffisamment donné, comme garantie de ce genre-là, en « démilitarisant » les territoires de la rive gauche du fleuve, et une bande de 50 kilomètres sur la rive droite. Si cette sûreté négative ne nous tranquillisait pas absolument, on consentirait peut-être à la corroborer par quelque sûreté positive, pourvu que ce ne fût point celle même que nous demandions.

Par exemple, que penserions-nous d’une alliance, d’une double alliance, avec la Grande-Bretagne et avec les États-Unis qui s’engageraient conjointement et indivisément à nous soutenir, dans le cas d’une agression de l’Allemagne, non provoquée de notre part ? Que nous renoncions à notre prétention, pleine de périls pour nous et pour autrui, à la frontière du Rhin, et M. Lloyd George, prenant l’initiative, nous offrait l’alliance anglaise, et le président Wilson, sous