Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 54.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Eh bien ! on est convenu de désigner par la lettre N qu’on appelle la Constante d’Avogadro, le nombre total et réel des molécules qui se trouvent dans une molécule-gramme d’un corps quelconque.

Il ne restait plus, — et c’était la chose évidemment la plus difficile, qu’à déterminer ce nombre N, c’est-à-dire à dénombrer le nombre réel des molécules qui se trouvent dans un poids donné d’un corps. Ce dénombrement a été réalisé par des méthodes variées et dont il me reste à parler maintenant, et qui sont parmi les plus beaux triomphes de la science moderne. On le comprendra mieux tout à l’heure lorsqu’on verra la grandeur incroyable de ce nombre, c’est-à-dire l’infinie petitesse du poids de chaque molécule, qui dépassent toute imagination : en ce domaine, le vrai n’est généralement pas vraisemblable.

Pour fixer tout de suite les idées, je veux dire, sans attendre davantage, que les méthodes les plus variées ont montré que ce nombre esta peu près égal à 65  x  1022 (ainsi qu’il est d’usage d’écrire entre mathématiciens), c’est-à-dire qu’il est exprimé par le nombre 65 suivi de 22 zéros. Ou bien, pour parler arithmétiquement, dans une molécule gramme d’un corps quelconque, c’est-à-dire dans 2 grammes d’hydrogène, 32 grammes d’oxygène, 18 grammes d’eau, il y a un nombre réel de molécules séparées et indépendantes égal à 650 000 milliards de milliards.

Voyons maintenant comment cela a pu être établi :

Dès 1875, Van der Waals, le célèbre physicien hollandais, est arrivé à une première évaluation de N qui se trouve très voisine des déterminations plus précises obtenues récemment. On connaît la loi de Mariotte qui’lie la pression des gaz à leur volume ; cette loi cesse d’être vraie aux très fortes pressions et lorsque le volume du gaz est presque réduit au volume qu’il aurait à l’état liquide. En effet, à ce moment, le volume propre des molécules qui, elles, ne sont pas compressibles, intervient pour compliquer le phénomène, puisque ce volume n’est plus négligeable par rapport à leurs distances respectives. Van der Waals a établi, et vérifié par l’expérience, la loi plus compliquée suivant laquelle varient le volume et la pression gazeuses dans ces conditions ; dans cette expression interviennent les volumes propres des molécules, volumes que l’on peut donc déduire des expériences vérifiant la loi. D’autre part, les lois connues et expérimentalement vérifiées de la viscosité et de la théorie cinétique des gaz fournissent la valeur totale des surfaces des molécules d’un poids donné de gaz. De ces diverses données, on déduit immédiatement la valeur de N qui a été trouvée par Van der Waals voisine