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Pendant son séjour à Paris, des mutilés, des veuves de guerre, des mères et des sœurs sont allées exprimer au souverain leur reconnaissance et lui montrer qu’il avait su imaginer une nouvelle raison de se faire aimer.

En quittant Paris, Alphonse XIII est parti pour Londres. On devine aisément que dans ces déplacements les questions d’ordre politique tiennent une certaine place. La guerre a renouvelé la plupart des problèmes européens. L’Espagne a devant elle des perspectives intéressantes : elle est au carrefour des grandes routes qui mènent en Afrique et en Amérique latine ; elle est forte de richesses naturelles que la crise générale du monde l’invite à exploiter ; elle a son rôle à jouer dans le nouveau concert des peuples et elle aura un délégué permanent, au Conseil de la Société des Nations. D’autre part, les questions marocaines qui touchent à la fois l’Espagne et la France se présentent sous un jour nouveau depuis que la Conférence de Paris a libéré le Maroc de toutes les hypothèques allemandes : elles peuvent être réglées d’une façon durable, en tenant compte des intérêts légitimes, et de telle sorte que l’accord de nos deux pays, plus nécessaire qu’il n’a jamais été, sorte fortifié de ces conjonctures. Ce n’est pas le moment d’insister sur ce sujet, puisque le souverain a donné à son voyage un caractère privé. Ce que l’on peut dire, c’est que les conversations, s’il y en a, se poursuivront dans l’atmosphère la plus confiante et la plus cordiale et que tous les sujets pourront être abordés avec autant de liberté que de franchise. Alphonse XIII a donné la mesure de ses sentiments à notre égard en allant visiter les tombes de nos soldats morts dans la région de Verdun. En parcourant avec le maréchal Pétain la terre sacrée où dorment tant de héros, le roi, chef suprême de l’armée de son pays, et passionné pour tout ce qui concerne l’art militaire, rend un hommage émouvant à l’effort qu’a fourni notre nation pendant cette guerre. Descendant du Souverain de France qui a jadis réuni l’Alsace au royaume, Alphonse XIII a voulu saluer nos morts sur la terre lorraine et en compagnie des grands chefs qui nous ont rendu cette même Alsace : notre pays sera profondément touché de cette pieuse pensée.

André Chaumeix.
Le Directeur-Gérant :
René Doumic.