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rideaux du grand lit de cuivre sont écartés. La mariée est là, assise en travers du lit, toute vêtue de blanc. Son visage a été fardé d’un rose vif, ses sourcils passés à la teinture d’or, dont quelques paillettes étoilent aussi les joues et le menton. Ses cheveux courent sur les couvertures, partagés en mille tresselettes blondes. Et elle tient les yeux baissés sur ses mains en croix, rougies de hené.

Les invités affluent, et voici que se montrent les cadeaux. Le premier cadeau est celui de l’époux : une main d’or sertie de diamants. La camériste le soulève au-dessus de la tête de la mariée.

— Le cadeau de l’arous ! Dieu fasse longue ta vie ! Fasse long ton bonheur !

— Amen ! Amen ! répond l’assistance.

La main d’or tombe dans un foulard de soie étalé sur les genoux de l’épouse, et l’opération se répète jusqu’au dernier cadeau, l’objet montré à la foule, le nom du donateur clamé avec des souhaits de bonheur…

Dadda s’empresse autour de son Sidi. Les you-you s’élèvent. La musique retentit dans l’escalier. C’est la mariée qui arrive.

Dadda passe à Didenn ses burnous de soie. Didenn soudain s’est mis à trembler d’émotion.

À ce moment, la portière de la chambre se soulève et Lalla Gousseume apparaît. Elle est vêtue de satin jaune à riches broderies d’argent. Sa figure austère vient de s’éclairer d’un sourire satisfait, en voyant son fils prêta recevoir sa femme.

— Bien, mon fils, lui dit-elle. Tu es prêt. Ces burnous sont beaux et te vont bien. Je viens de voir ta femme. Elle est plus belle que mon cœur ne la désirait pour toi.

Didenn, profondément troublé, approche sa tête du sein maternel. Lalla Gousseume lui dépose sur le front un baiser qui se prolonge, baiser de tendresse et de pardon…

Les you-you font résonner les grands dômes de la maison. Le cortège s’ébranle au pied de l’escalier. Didenn se tient debout près de la porte. Il est très pâle. Sa mère a disparu. Dadda est toujours à son côté. De temps à autre, elle lui asperge le visage d’eau de fleurs d’oranger.

— N’aie pas peur, mon fils… Que Dieu n’exclue aucun Musulman du bonheur de ce jour !…

La portière s’écarte. Au-devant de la foule des invitées, encadrée de deux musiciennes, la mariée fait son apparition.