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Et elle accompagna ces derniers mots d’un grand sourire de ses dents blanches…

Les belles Tlemceniennes hâtèrent le pas. Mais, comme bien on pense, les caquetages allèrent leur train.

— Voilà une vraie fille des Marabouts ! dit l’une en parlant de Zoulikha. Comme elle sera blanche, le jour de sa mort !

— Une fille de grande race, ma sœur ! Elle a accompli à elle seule ce que les savants et les puissants réunis n’auraient pu faire !

— Qui l’aurait dit que Sid Kisbadji et Lalla Gousseume, ces orgueilleux qui croyaient que le monde descendait de leurs escarpins, partageraient un jour sur la tombe de leur ennemi le petit pain du pardon ?…

— Alors qu’il y aura bientôt cinq ans, ils avaient tous juré et bu la gorgée d’eau à la cruche de la séparation !

— Eh oui! tout vient à son heure… Il faut croire que Sid Kaddour avait été brûlé innocent pour que Dieu lui donne, couché dans sa tombe, une pareille récompense !

— Sa fille demandée en mariage par le fils de la grande maison !

Les Tlemceniennes s’enfoncèrent dans le petit bois, pour aller saluer la nouvelle épouse… Dans le mouvement que faisaient les têtes pour échanger les bavardages, les sarmates au loin se rapprochaient comme pour se frôler, s’amalgamer en une féerie d’arc en-ciel, qui s’évanouit bientôt sous le clair-obscur des frondaisons…


Assise sur le seuil du petit gourbi, dont la porte a été garnie pour la circonstance de branches d’oliviers et de touffes de lauriers-roses, Aïcha, le visage épanoui, admire la corbeille des fiançailles que Dadda vient de déposer à ses pieds. Les parures de soie voisinent avec les ceintures d’or, avec les fremlas de velours brodé et les escarpins sertis de pierres précieuses… Au cœur d’un biscuit mousseline, un gros saphir de famille brille comme une étoile, en symbole de l’amour…

Aïcha a revêtu un costume tout de satin vert-pomme, passé des mules de brocart rose, et ses cheveux sont serrés dans un foulard d’or à longues franges d’argent. Au fond du gourbi, sa mère la contemple du coin de l’œil, une ivresse fait grelotter ses vieux bras qui pétrissent le henné des accordailles…