Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

niers, à propos desquels elle avait élevé il y a un mois une controverse qui lui paraissait si importante. Elle assure que, conformément au traité, elle livrera les coupables. Elle a cependant demandé quelques changements d’ordre technique en ce qui concerne les réparations dues pour le sabordage de la flotte allemande à Scapa-Flow. On paraît être au terme de cette série de discussions et de chicanes, et le traité de Versailles est enfin à la veille d’entrer en vigueur. Mais comment ne pas retenir les méthodes employées par l’Allemagne dans cette controverse, et comment n’en pas tirer la leçon pour l’avenir ? À ne considérer que la forme du débat, l’Allemagne a l’air de rester fidèle aux anciennes habitudes de la chancellerie germanique. Les incidents qui se sont succédé laissent deviner malheureusement un état d’esprit général. Le gouvernement de Berlin n’ignorait pas qu’il céderait, et il n’a jamais eu l’intention d’aller jusqu’au bout de ses résistances. Il a cependant multiplié les notes, envoyé, puis rappelé sa mission, retardé volontairement la paix. Pourquoi donc ? et en est-il réduit à ce simulacre de résistance pour ménager ses amis, pour complaire à l’état-major et aux survivants du pangermanisme ? S’il en est ainsi, les Alliés seront bien inspirés en réfléchissant par avance à tout ce que leur promettent les sentiments de l’Allemagne. Le nouveau régime est fortement influencé par l’ancien : les fonctionnaires de la diplomatie appartiennent encore à l’école bismarckienne ; la propagande accoutumée de l’Allemagne a repris son cours ; les manifestations des partisans d’un nouvel esprit sont suivies librement des manifestations de l’État-major. Il y a outre Rhin non pas seulement le désir qui s’expliquerait d’adoucir autant que possible les conditions de la paix ; il y a chez certains le désir d’échapper au traité. À l’Assemblée prussienne, le ministre des finances Südekum a résumé ainsi la pensée de ses amis : « L’idée centrale qui doit dominer la vie de tout Allemand et de l’ensemble du peuple est de se libérer du traité de paix qui a été imposé. » Et le ministre qui s’exprime ainsi se défend d’être un partisan des idées extrêmes : il met en garde le public contre les groupes de droite et il déclare impossible le rétablissement des dynasties.

Le public allemand a eu cependant depuis quelques mois toutes les occasions de s’instruire. L’Allemagne est accablée de révélations. Après les Mémoires de Ludendorff, ceux de Tirpitz, ceux de Falkenhayn, voici ceux de M. Hamman, qui a été longtemps directeur de la presse à la Wilhelmstrasse, voici surtout les volumes des documents publiés par M. Kaulsky. Il y a bien de la diversité dans