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le scrutin du 11 janvier aura suffi à disperser ces vestiges d’un esprit ancien. L’Assemblée qui va siéger au Luxembourg est presque entièrement renouvelée, puisque deux tiers du Sénat étaient soumis à la réélection et que le dernier tiers, diminué par la disparition d’un certain nombre de sénateurs, a dû être complété. Elle aura certainement à cœur d’aider la Chambre, de combattre avec elle à la fois les partisans d’une dictature sociale, et les partisans des intrigues parlementaires, de participer à cette politique de reconstitution et d’ordre que veut toute la nation et dont le développement chez nous est suivi avec tant d’attention par toute l’Europe.

Les deux assemblées, étant l’une et l’autre constituées et ayant nommé leur bureau, formeront le Congrès qui doit voter le 17 janvier. Nos coutumes politiques évitent de soumettre l’élection présidentielle à de trop longues compétitions publiques. C’est généralement dans les derniers jours qui précèdent le Congrès que les candidats sont connus. Il est même arrivé souvent que le sort s’est seulement prononcé pendant le Congrès lui-même. L’histoire des élections présidentielles montre que dans la plupart des cas les réunions préparatoires et le travail des groupes n’ont pas empêché l’Assemblée nationale de demeurer souveraine et de fixer elle-même sa volonté, soit dès le premier tour de scrutin, soit après le premier tour. Les conditions générales de l’élection présidentielle abrègent encore davantage cette fois la période de discussion. Le Sénat n’ayant été élu que le 11 janvier et ce scrutin ayant une grande influence sur la composition du Congrès, il y a eu une sorte d’accord général dans le silence et il n’a pas été question publiquement de l’élection présidentielle. Les candidats ont été si discrets, qu’on se ferait scrupule de ne pas imiter leur réserve. Dans les conversations particulières tout le monde les nomme, et tout le monde parle d’eux. Mais aucun d’eux n’élève la voix. Comme le Sénat vient d’être nommé, il n’y a plus cependant de raison pour taire un secret si répandu. Il est généralement admis que si M. Clemenceau se présente aux suffrages du Congrès, c’est lui qui sera désigné pour aller à l’Elysée. Si M. le Président du Conseil décline cet honneur, le Congrès, certes, ne sera pas embarrassé : notre pays ne manque pas d’hommes qui accepteraient la mission de le représenter et qui la, mériteraient. Mais M. Clemenceau a joué un si grand rôle, il est environné d’un prestige si exceptionnel que, s’il en manifeste vraiment le désir, le Congrès ne lui refusera pas la chance d’accomplir jusqu’au bout son destin.