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idée d’organiser tout de suite ce travail considérable en se donnant deux collaborateurs pour le seconder. A la Présidence du Conseil il a créé un sous-secrétariat d’État, qu’il a confié à un nouveau député actif et d’esprit net, M. Reibel, et qui sera à la fois le centre d’informations dont a besoin le chef du gouvernement, et l’instrument de liaison entre les ministères, dont l’unité de direction se trouvera ainsi facilitée. Au quai d’Orsay, il a institué un secrétariat général, qui prendra la direction de tout le département, et il a appelé à ce poste important M. Maurice Paléologue, qui a été notre ambassadeur à Petrograde pendant une grande partie de la guerre et qui sera pour lui un collaborateur précieux par ses qualités personnelles et par la connaissance qu’il a des choses de l’Orient.

La Chambre a fait tout de suite une importante réserve sur le nouveau cabinet : elle s’est demandé pourquoi M. Millerand avait associé à son ministère quelques hommes qui rappelaient la politique d’avant-guerre, et, dès la première séance, elle a marqué son sentiment. Le président du Conseil a cependant obtenu le vote de confiance que, selon la coutume, il a sollicité dès qu’il a pris contact avec le Parlement : mais un grand nombre de députés se sont abstenus,et le gouvernement n’a réuni à ses débuts que 272 voix. M. Millerand a-t-il cru que, les anciens cadres étant brisés, les hommes politiques ne devaient plus être jugés sur leur étiquette passée et qu’ils étaient rénovés par la guerre ? A-t-il pensé que, en présence de tant de questions pressantes, les considérations de personnes étaient de peu de poids et que sa présence suffisait à garantir la direction de sa politique ? La Chambre s’est montrée particulièrement sensible à des sujets dont M. Millerand ne s’était pas inquiété, et c’est un fait dont le gouvernement devra tenir compte. Elle n’ignore pas les mérites du nouveau président du Conseil. Elle sait tout ce qu’il a accompli comme ministre de la Guerre et comme haut-commissaire en Alsace-Lorraine. Au lendemain de Charleroi,dans l’un des moments les plus graves, M. Millerand a courageusement accepté le ministère et il lui a donné une impulsion qui a contribué à la victoire. A la veille des élections, il a prononcé à Paris un discours retentissant, qui a semblé, par sa netteté, par sa largeur, par son esprit de tolérance, le programme même de l’union nationale. Lorsque le pays a fait connaître ses volontés le 16 novembre, M. Millerand a paru être, par ses qualités d’organisateur, d’administrateur, et de travailleur acharné, le chef désigné de la majorité nouvelle. C’est ce qui a inspiré le choix de M. Raymond Poincaré