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L’Allemagne, dès le 10 Janvier, date où le traité de paix a été ratifié, a commencé de laisser paraître sa mauvaise volonté. Aujourd’hui, elle ne la cache plus. La crise qui éclate entre les Alliés et l’Allemagne est la première que provoque l’application du traité de paix ; ce n’est pas la dernière. L’avenir dépendra de la fermeté des Alliés. C’est le 4 février que s’est produit l’incident qui a rendu publique la crise déjà latente depuis quelque temps. M. de Lersner, chef de la délégation allemande à Paris, avait reçu la veille la liste des personnes que les Alliés réclament en vertu de l’article 228 du traité pour les faire passer en jugement. Dès le lendemain matin, M. de Lersner renvoyait cette liste au Président de la Conférence : il refusait d’en prendre connaissance et donnait sa démission, en annonçant qu’il repartait le soir même pour Berlin. Il faut faire dans la manifestation de M. de Lersner la part de sa volonté personnelle. M. de Lersner a saisi une occasion de s’en aller après une démonstration un peu retentissante qu’il était sûre de voir apprécier dans certains milieux allemands. Mais il y a bien autre chose dans le refus de M. de Lersner : il y a l’affirmation symbolique donnée par un ancien fonctionnaire impérial que l’Allemagne ne change pas, quelle n’accepte pas le traité, qu’elle s’oppose à l’exécution de l’article qui consacre la déchéance du monde pangermaniste et la condamnation de l’impérialisme prussien en ordonnant la livraison des coupables.

Depuis quelque temps déjà il était manifeste qu’une partie de l’Allemagne s’apprêtait à résister. Les atermoiements qui avaient précédé la ratification avaient déjà probablement comme cause principale l’article 228. Peu après la campagne de presse, entreprise à propos de l’extradition de Guillaume, avait été significative. On sait que l’article 227 du traité déclare que les Puissances alliées et associées mettent en accusation publique Guillaume de Hohenzollern pour offense suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités. Le même article ajoute que les Puissances adresseront au gouvernement des Pays-Bas une requête le priant de livrer l’ancien Empereur entre leurs mains pour qu’il soit jugé. Dès que la réponse du gouvernement des Pays-Bas qui a refusé l’extradition a été connue, la presse allemande a manifesté des sentiments qui ne laissaient guère de doute sur l’accueil que le gouvernement de Berlin réserverait à la demande contenue dans l’article 228. Elle a loué la Hollande de donner l’exemple, et elle l’a suivi, en publiant tout de suite une série d’articles contre le traité de paix. Tous les journaux du parti national, ceux même du parti socialiste ont déclaré qu’une paix de violence était