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présente comme un gouvernement nouveau, réalisant le communisme, et il est en réalité une tyrannie, qui méprise non seulement le peuple, mais les gouvernements démocratiques. Il a prêché la révolution et il n’a survécu qu’en étant de moins en moins révolutionnaire. Toute l’Europe peut se demander aujourd’hui si, tandis qu’il prétend faire la paix, et songe à s’organiser, il n’a pas l’arrière-pensée de propager ailleurs le bouleversement qu’il veut faire cesser chez lui. En réalité, sous sa nouvelle forme, le bolchévisme présente deux dangers : l’un, c’est de paraître aux peuples mal informés une réussite d’un communisme nouveau, alors qu’il est une forme nouvelle d’un despotisme total ; l’autre, c’est de devenir un État organisé qui songe à se rapprocher de l’Allemagne. Contre le gouvernement bolchéviste, à l’heure présente l’Europe ne peut rien directement : mais contre les deux dangers qu’il présente elle peut quelque chose. La société des peuples civilisés, européens et américains, a assez de traditions et de savoir, elle vaut assez pour dévoiler à la raison universelle le mensonge du prétendu idéal révolutionnaire des bolchévistes. Les puissances alliées et associées, en ce qui concerne la tentation que pourrait avoir l’Allemagne, ont le droit qui résulte de leur victoire. Et ainsi, quand on va au fond de toutes les difficultés réservées par le problème russe, on trouve qu’en cette matière aussi la mesure essentielle de prudence consiste à faire appliquer le traité de Versailles avec une rigueur impitoyable, et à empêcher l’Allemagne de se fortifier. Le gouvernement français, dans les explications qu’il a données à la Chambre, a été très net sur ces sujets : il a déclaré qu’il n’aurait aucun rapport avec les soviets ; il a affirmé qu’il exigerait de l’Allemagne tout ce qu’elle doit et que, pour l’obtenir, il aurait recours à toutes les mesures prévues par le traité.


M. Raymond Poincaré, président de la République, arrive le 17 février à l’expiration de son mandat et toute la France au moment où il quille l’Elysée lui adressera un particulier hommage. Le septennat de M. Raymond Poincaré est sans commune mesure avec aucun de ceux qui se sont succédé depuis la fondation de la République. Il a été rempli par des années qui comptent parmi les plus tragiques et parmi les plus glorieuses de notre histoire. M. Raymond Poincaré, chef d’un État démocratique qui ne s’était jamais trouvé en de pareilles conjonctures, a été appelé non pas à suivre une tradition, mais à la créer et à faire l’épreuve à la fois de lui-même et de l’institution