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Marie-Thérèse dut le congédier d’un mot poli. Du reste, si Barras crut ce jour-là avoir été mis en présence du Dauphin, sa conduite postérieure prouve qu’il ne tarda pas à être détrompé.

Les derniers commissaires désignés par la Commune pour présider à la surveillance du Temple, furent nommés dans la soirée du 8 thermidor. Le Conseil général était, le 9, trop tragiquement occupé pour songer à déléguer trois de ses membres à la prison royale. Les municipaux de garde depuis le 8 au soir, restèrent donc à leur poste le 9, le 10 et le 11, ce qui les sauva de la guillotine. Mais ils ne pouvaient demeurer là indéfiniment, — la Commune, — qui finissait comme elle avait commencé, par l’insurrection, se trouvant dissoute et tous ses membres mis hors la loi. Il fallait donc au plus tôt s’ingénier à trouver des gardiens pour les deux enfants prisonniers et, dans la journée du 10, le Comité de sûreté générale confia cette mission délicate à Jérôme, membre du Comité révolutionnaire de la section de Bondy, et à Albert investi d’un mandat similaire par la section de l’Unité. Mais le général Barras voulait là un homme à lui. Durant « la bataille » du 9 il avait remarqué le zèle un peu turbulent d’un jeune patriote, créole de la Martinique, Christophe Laurent, qui avait eu la perspicacité de faire montre, durant la crise, d’un enthousiasme ardent pour la cause Conventionnelle et d’une animosité non moins accentuée contre la Commune. Laurent avait d’ailleurs, auprès du général un répondant en la personne du secrétaire intime de celui-ci, Botot, titulaire de la justice de paix de la section du Temple, dont Laurent était le greffier. L’arrêté du 10 fut donc rapporté : Albert et Jérôme restèrent chez eux et, le 11, le créole fut nommé gardien provisoire des enfants de Capet. Il se rendit au Temple à neuf heures et demie du soir, fut reçu par les trois commissaires survivants de la Commune anéantie, qui l’installèrent, le conduisirent aux chambres des deux prisonniers et disparurent.

Laurent était intelligent, actif, d’esprit délié et d’extérieur agréable ; il s’exprimait bien, écrivait avec facilité, et ses manières contrastaient avantageusement avec celles des sans-culottes à bonnet rouge et à façons grossières qui, depuis près de deux ans, avaient régné sur le Temple. Il doit uniquement sa nouvelle situation à la protection de Barras, il est tout dévoué