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facteurs, — pas le seul, cela va sans dire, — de l’admirable réaction patriotique, du sursaut d’énergie, par quoi l’Italie, un instant stupéfaite d’un coup aussi rude, s’est alors ressaisie et sauvée.

On ne lui contestera pas ici le mérite de s’être sauvée d’abord elle-même ; on reconnaîtra que ses armées s’étaient déjà arrêtées sur les positions de la Piave, qu’elles y avaient entrepris la résistance, quand nos premières unités sont entrées en ligne. Ce qui est indéniable, c’est qu’elles nous ont dû d’abord le réconfort moral de savoir de puissants renforts en route, ensuite celui de se savoir appuyées de fortes réserves, enfin l’avantage positif d’être effectivement secondées, fortifiées, pour faire face aux tentatives faites par l’ennemi pour exploiter son foudroyant succès, soit en forçant la ligne de la Piave, soit en la tournant par le Nord. Et elles nous ont dû aussi les inestimables avis d’un chef tel que le maréchal Foch.

L’occasion s’offre maintenant de détruire une légende. Au début de cette année, un des journaux les plus autorisés d’Italie, le Corriere della Sera, dans un article sur le rôle des Armées franco-anglaises après Caporetto, a prétendu que le maréchal Foch avait alors conseillé de pousser la retraite jusqu’à la ligne du Pô et du Mincio, conseil auquel le général Cadorna aurait passé outre en décidant l’arrêt de la résistance définitive sur la Piave. Depuis lors, cette assertion a été répétée à diverses reprises, soit dans la presse, soit dans des discours, notamment par M. d’Annunzio dans une lettre au journal français Excelsior et par M. Sem Benelli dans une conférence à Milan. Elle est complètement fausse. On ignore quelles ont été, dans la circonstance, les vues du général Cadorna et on n’a aucune raison de supposer qu’il fût, à priori, favorable à la prolongation de la retraite en deçà de la Piave. Mais ce que l’on sait pertinemment, c’est que le maréchal Foch y a été d’emblée et toujours résolument opposé, que pas un instant il n’a envisagé le repli sur le Pô et le Mincio, et qu’il n’a caché son opinion à cet égard ni à Padoue, ni à Rome. Au contraire, à son passage au Grand Quartier Général italien comme lors de sa visite à la capitale, il n’a cessé de répéter que la volonté de tenir était la première condition de la résistance ; que pas un pouce de territoire national ne devait être abandonné sans combat ; que jamais un Commandement ne devait en venir à