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jamais sous les écorces rugueuses et les couleurs diverses : les similitudes, les tendances, les vœux, tout le subconscient de l’esprit et des cœurs. Dans l’un de ses premiers ouvrages, le Scolastici orthodoxi specimen, il démontrait que la doctrine de la Réforme était déjà contenue dans les scolastiques, et cette idée portait loin, car, si elle souriait au Protestantisme, en flattant ses ambitions d’antiquité, elle allait aussi à poser la question de la légitimité du schisme du XVIe siècle.

Mais c’est surtout dans son livre intitulé : Catéchisme de la Réformation[1], que s’affirmait cette tendance, petit livre qui n’est point tout à fait ce que promet son titre, c’est-à-dire un compendium ou une encyclopédie de la théologie des Réformés, mais bien, lui aussi, un écrit « irénique, » un pas vers le Catholicisme, une offre. Dès les premières pages, la perspicacité du péril anti-chrétien contemporain apparaissait. De même que « la diversité des sectes [philosophiques] a été depuis longtemps un prétexte pour conclure que toute la philosophie [est] une vaine recherche, » de même « la diversité des religions peut établir l’athéisme. » Otons-la donc, cette diversité. N’est-ce pas le vœu de la nature et de la raison ? « Comme la lumière et l’eau, comme les voies publiques et les lois de police, la religion est un de ces biens communs, » le plus noble de ceux qui fondent et maintiennent l’humanité sociale. Et s’il est malheureusement exact, en fait, que c’est elle qui sépara le plus, n’est-ce pas elle qui, par son essence, doit unir le mieux ? Oui, « la vérité est retardée, reculée, quand les uns enseignent une chose et les autres une autre. » « Il n’y a rien de si désirable, sinon que tout, le monde fût d’une même religion. »

De laquelle ? La Chrétienne est, de toutes celles qui se disputent le monde, visiblement la seule vraie, parce que la seule génératrice de salut, parce qu’elle proclame seule le péché humain, et que seule elle met à sa base l’appel à la miséricorde du Dieu parfait que le péché offense. — Or, déjà, notons combien cette position initiale d’une apologétique fondée sur la psychologie de la misère humaine était en concordance avec toutes les pensées philosophiques et religieuses du XVIIe siècle catholique. Ce point, de départ de Ferry, c’est celui-là même d’où, plus ou moins, s’élançaient toutes les grandes

  1. Voir Haag, La France protestante, 1re et 2e éditions ; Dietsch, Die evangel. Kirche von Metz, 2e édition, 1910.