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Je tiens à ajouter que dans ce sens, dans ce déplacement, — favorable à une demi-tolérance, — de sa sévérité, des impulsions trop oubliées s’exercèrent certainement sur lui. Qui lui donnait l’exemple de ne point attacher aux différences dogmatiques l’importance que les traités de controverse grossissent ? Qui lui enseignait à ne pas faire son principal, dans la prédication, de la controverse contre l’hérésie ? C’était ce Vincent de Paul dont il savait apprécier la grandeur, et qui, lui, ne faisait jamais figurer la controverse dans le programme de ses missionnaires, « ni en public ni en particulier, » lors même qu’ils travaillaient en pays protestant, persuadé qu’il était que « bien souvent, » la dispute fait plus de bruit que de fruit, et que la « bonne vie » et la bonté compatissante sont, à l’égard des errants, la meilleure des apologétiques. Qui pouvait lui donner l’exemple, aussi, de mettre, dans les affaires séculières, la religion à part, et de laisser régner la justice ? C’est « Monsieur Vincent, » l’auteur de cette belle lettre[1] à François Grimal, supérieur de la Mission à Sedan, « sur la manière de se comporter avec les huguenots. » Vous me demandez s’il faut prendre le parti et les intérêts des catholiques contre les religionnaires ? Non, certes ! « Que savez-vous si le catholique est bien fondé ?… Il y a bien de la différence entre être catholique et être juste ! Le catholique est-il moins justiciable pour être catholique ? Pourquoi ne pas laisser juger les juges, même huguenots ? « Ils jugent selon les lois, devons-nous croire, et, outre leur conscience, ils font profession d’honneur. » Qui sait si ce ne furent pas ces nobles maximes qui furent cause qu’en ces années 1662 à 1665 où, encouragée par les intentions devinées de la Cour, la persécution contre les protestants eut à Metz un regain regrettable, le nom de Bossuet figure moins fréquemment qu’on pourrait s’y attendre en raison de ses fonctions ecclésiastiques[2], dans les documents de ces chicanes vilaines que l’on multiplia contre les Réformés de Metz, pour leur ôter leur temple dans la ville, pour les empêcher d’en rebâtir un autre, pour assurer les « conversions » enfantines et gêner le collège huguenot.

  1. L. du 3 juillet 1644. Elle est reproduite dans le petit livre si plein de M. Calvet, Saint Vincent de Paul, dans la Bibliothèque française du XVIIe siècle. — Cf. l’abbé Maynard, Saint Vincent de Paul, t. II p. 416-417.
  2. Il y figure deux ou trois fois. En 1662, les catholiques militants de Metz (probablement la Compagnie messine du Saint-Sacrement) envoient à Bossuet, à Paris, le « dessin » du temple de Courcelles ; en 1663, Bossuet proteste avec le primicier du Chapitre, Coursan, contre un arrêt du Conseil du 29 mai, trop favorable à certaines revendications protestantes, principalement au sujet de l’âge des petites filles pouvant être reçues aux nouvelles converties.