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étaient tombées sous des obus allemands, français, anglais, américains, portugais ou italiens; ils n’ont eu qu’une certitude, c’est que leurs foyers avaient été sacrifiés à la cause commune. Nos Alliés nous ont donné trop de gages de leur esprit de solidarité pour que nous puissions, un instant, supposer que cette situation exceptionnelle de la France dans la coalition échappe à leur souvenir et à leur reconnaissance. Nous avons payé de notre chair et de nos biens la victoire des nations libres. Nous avons un droit inaliénable et imprescriptible à être dédommagés.

Il y a, du reste, en Allemagne même, quelques hommes clairvoyants qui comprennent que leur pays aurait à l’exécution loyale du traité un grand intérêt d’avenir. La générosité naturelle de la France la poussera certainement à reprendre le plus tôt possible avec ses ennemis d’hier des relations courtoises, dont l’Allemagne pourra vite tirer des profits économiques; et, jusque dans les départements ravagés, l’industrie et le commerce allemand trouveraient aisément, dès demain, des occasions propices d’activité et de gain. Encore faut-il cependant que la France, avant de se prêter à ces combinaisons, soit assurée de se trouver désormais en face d’une Allemagne amendée, dont les dispositions nouvelles soient sincèrement pacifiques et qui nous donne, dans sa fidélité à tenir ses engagements, un premier témoignage de son repentir.

Pour le moment, nous sommes, par malheur, fort loin d’une telle assurance. Aussi bien, dans les beaux discours qu’ils ont prononcés-à la Chambre ou au Sénat, à propos de l’incorporation de la classe 50; le ministre de la Guerre, le général de Castelnau, M. Briand, M. Paul Strauss, M. Poumër, ont-ils eu raison de demander avec insistance que la France conservât intactes la volonté et la force de faire exécuter le traité. « La classe 1920, non moins généreuse que ses devancières, a dit le général de Castelnau, tiendra à honneur de monter fièrement la garde sur le Rhin, pour que soient respectées les volontés dernières et sacrées de nos fils tombés au champ d’honneur. » — « Il faut, s’est écrié M. Briand, qu’au sortir de ce débat, on dise de nous qui avons supporté tant de lourds sacrifices, qui avons si fortement saigné, qu’on pouvait croire réduits par une anémie incurable : « On a demandé aux représentants de la France fraîchement sortis d’une consultation électorale, encore tout chauds de la confiance du pays, un nouvel effort, un nouveau sacrifice, pour imposer définitivement la paix, et tout le monde s’est levé à l’appel et a répondu : « Présent ! » — « La situation actuelle, a déclaré