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scrupule ; les conventions qui exceptent de la lutte la population civile sont supprimées, en même temps que toute notion d’humanité Quels que soient les engagements pris, ils cessent d’exister dès qu’ils apportent une gêne à la rapidité des opérations. Il faut constater qu’en changeant de maître, l’Allemagne prussianisée n’a pas changé d’âme, et qu’aucun membre de son nouveau gouvernement, aucun chef de parti notable n’a encore trouvé un mot de blâme pour le mépris de la foi jurée, du droit des gens et des principes les plus élémentaires de la civilisation.

Le 2 août, l’entrée des troupes allemandes en Belgique motiva une variante, d’ailleurs prévue, au plan de concentration français : au lieu de limiter sa gauche à Longwy, l’armée française l’étendra jusqu’à Mézières, la 5e armée (général Lanrezac) se déplaçant vers le Nord, faisant place à la 4e armée (général de Langle), qui ne prendra pas son emplacement de réserve vers Commercy et se formera en ligne entre la 3e et la 5e armées. Ce changement n’affecte que le plan de transport, dont l’exécution n’est pas commencée ; c’est une complication pour la Compagnie des chemins de fer de l’Est et pour les États-majors, mais les corps de troupe ne s’en douteront même pas. À partir du 4, la zone de 10 kilomètres évacuée le long de la frontière est réoccupée par les corps de couverture, très facilement dans la plaine lorraine, avec quelque difficulté dans les Vosges. Il faut insister sur ce fait que cette mesure, d’un haut intérêt politique, n’a eu qu’une répercussion à peu près insignifiante sur la situation militaire. La mobilisation de l’armée française l’a fait passer du pied de paix au pied de guerre du 1er  au 5 août ; sa concentration s’opère du 5 au 12 août pour le gros des transports, et le 18 tout est à pied d’œuvre.

L’ultimatum de l’Allemagne à la Belgique, le 3 août, avait été immédiatement suivi d’une offre de secours des troupes françaises ; mais le Roi des Belges, par un dernier scrupule, attendit la violation matérielle de son territoire pour le réclamer le 4. C’est le 6 seulement que le corps de cavalerie du général Sordet franchit la frontière avec ses trois divisions, appuyées de trois bataillons d’infanterie. Il poussa jusqu’à Liège le 8, cherchant le contact avec les forces belges les plus avancées. Mais la ville était prise et la garnison retirée sur la