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Autour de lui se pressaient des géographes, des poètes, des savants arabes, des astrologues arabes en longue barbe, des juifs pensionnés pour traduire des ouvrages arabes. Les sons des cloches se mariaient dans l’air aux cris des muezzins.

On fut encore plus musulman quand la couronne passa à Frédéric II, roi de Sicile et empereur d’Allemagne. Il préférait nettement ses sujets arabes. Renan éprouve une vive sympathie pour ce prince « que son insatiable curiosité, son esprit analytique, ses connaissances vraiment surprenantes, devaient rapprocher de cette race ingénieuse qui représentait à ses yeux la liberté de penser, la science rationnelle. » L’histoire de sa croisade et sa croisade elle-même furent un scandale. Il affectait à Jérusalem de ne s’entretenir qu’avec des Musulmans. En 1224, il avait fondé l’Université de Naples ; il faisait traduire Averroès, réunissait des collections de manuscrits arabes, consultait les savants de l’Islam oriental et occidental ; et il aimait beaucoup aussi les danseuses sarrazines qu’il envoyait chercher en Orient et en Espagne. La tunique où il fut enseveli était brodée en or d’une inscription arabe.

Mais la gloire islamique de Palerme est éclipsée par celle de Tolède. Dans la première moitié du XIIe siècle, la ville a peine arrachée aux Musulmans, l’archevêque Raymond, grand Chancelier de Castille, faisait traduire, — mathématiques, médecine, alchimie, physique, histoire naturelle, philosophie, — les ouvrages les plus célèbres de l’Islam. Ces traductions, nous dit Renan (que M. Asin aurait pu citer), étaient littérales. « Presque toujours un juif, quelquefois un musulman converti dégrossissait l’œuvre et appliquait le mot latin ou le mot vulgaire sur le mot arabe. » Et elles se répandaient avec une rapidité étonnante. « Tel ouvrage composé au Maroc ou au Caire, était connu à Paris et à Cologne en moins de temps qu’il n’en faut de nos jours à un livre capital de l’Allemagne pour passer le Rhin. » Aussi Renan a-t-il raison lorsqu’il ajoute : « L’histoire littéraire du Moyen Age ne sera complète que lorsqu’on aura fait, d’après les manuscrits, la statistique des ouvrages arabes que lisaient les docteurs du XIIIe et du XIVe siècle. » Le livre de M. Asin en est une preuve.

Il serait invraisemblable que Dante fût resté à l’écart de cette littérature orientale dont les savants de son époque étaient