Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/633

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grâce à vous, grâce à vous, le siècle et ses scandales.
Je les ai dépouillés en effleurant ces dalles ;

Et grâce à vous, je puis saluer en esprit,
Abbesses de jadis dont le chœur me sourit.

Les Vierges au nom pur, tremblant comme une tige :
Edelinde, Mathilde, Adélaïde, Hedwige ;

Et les autres, qu’appelle un verbe heureux et net ;
Herrade de Landsberg, Agnès, Elisabeth.


LES DEUX MONDES


Par ce jour automnal où le jaune soleil
Caresse les sapins tout brillants de résine,
Avive les sorbiers d’un éclat sans pareil.
Et change en longs rubis le fruit de l’églantine ;

Par ce jour délicat, harmonie et tiédeur,
Qui lustre la prairie et colore mon âme,
Je veux goûter, avec une sage ferveur.
De l’arrière-saison ce qui reste de flamme.

Je veux revisiter les sentiers familiers
Où le myrtil rosit son robuste feuillage ;
Où l’on croit entrevoir, non loin des coudriers,
Le bond d’un écureuil et son fauve pelage.
 
Mais je veux m’exalter d’un grand spectacle aussi,
Evoquer les dieux morts par leurs nobles vestiges,
Et, laissant à mes pieds tout terrestre souci.
Contempler ces hauts lieux travaillés de prodiges.

La terre porte ici le passé dans ses flancs ;
Sur ces monts, couronnés d’une immense muraille,
L’humanité géante et ses cultes sanglants
Ont laissé des autels façonnés à leur taille.

La préhistoire gît au fond des rochers creux.
Les Celtes ont ici tué le bœuf sauvage ;
Le plateau de la Bloss fut consacré par eux
Au cruel Teutatès, favorable au carnage.