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comte Revertera. Si quelque chose de concret avait pu sortir de ces pourparlers, ce quelque chose eût été immédiatement soumis à l’appréciation de l’Italie. Son gouvernement a d’ailleurs pu s’en convaincre au cours de l’entrevue de Saint-Jean de Maurienne, le 19 avril 1917. Alors a été porté à sa connaissance le fait des dernières approches autrichiennes, discerné le caractère scabreux de telles invites, reconnue l’opportunité d’une tactique prudente, respectée enfin, par cet échange même de vues, l’obligation d’en référer à l’Italie.

Les principes de la déclaration de Londres ont donc été, dans la pratique, à l’avantage réciproque des contractants. Cette constatation ne doit pas induire à admettre une opinion parfois exprimée en guise de reproche contre l’alliance italienne. L’Italie aurait, par ses buts de guerre, mis obstacle à la paix séparée de l’Autriche-Hongrie. Elle serait, par cela même, devenue une sorte de poids mort pour ses alliés, qui se voyaient interdit de recevoir à résipiscence la monarchie des Habsbourg, fatiguée et désireuse de tirer son épingle du jeu.

Pour pouvoir raisonner de la sorte, il faudrait d’abord être sûr que le gouvernement de Vienne eût agi contre le gré et à l’insu de Berlin ; qu’il eût été résolu à séparer franchement sa cause de celle de l’Allemagne. Or, rien n’est moins certain. Tout fait présumer au contraire qu’il a été, en l’occurrence, l’instrument des Allemands dont il a fait le jeu, en cherchant à attirer la France et l’Angleterre dans un traquenard où elles se seraient trouvées, si elles y étaient tombées, face à face, non pas seulement avec lui, mais aussi avec eux. Si la candeur de l’empereur Charles permet de le croire inconscient de ce rôle et dupe de plus rusés que lui, le parti déloyal que le comte Czernin a cherché à tirer des colloques confidentiels entre le comte Armand et le comte Revertera autorise les soupçons contre la bonne foi de ce ministre. Les sondages pacifiques de l’Autriche-Hongrie n’ont été, vraisemblablement, qu’une des multiples formes que le pacifisme allemand a prises, pour nous entraîner dans l’engrenage de la paix blanche ou de la paix de vaincus.

Si nous avions commis l’imprudence d’entrer en discussion sur des balbutiements pacifiques, nous aurions mis le doigt dans un engrenage où tout notre corps aurait risqué de passer. Il n’y a eu au cours de la guerre qu’un exemple d’une