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Quoi qu’il en soit, voici, en gros, la situation au mois de février 1920 ; la tonne de charbon, prise dans un port de France[1], vaut en moyenne 230 francs ; la tonne de pétrole (mazout) vaut 400 francs. Si nous divisons ce dernier chiffre par 1,6, coefficient d’utilisation du combustible liquide par rapport au combustible solide, nous ne trouvons plus que 250 francs. Et si nous tenons compte du gain de l’arrimage, qui permet de réduire les prix d’embarquement du combustible employé, si, surtout, nous faisons état de la diminution très sensible des frais de solde et d’entretien du personnel, nous tombons bien au-dessous de 200 francs, dans le cas de la chauffe au pétrole et au-dessous de 150 francs, dans le cas de l’emploi du moteur à combustion interne.

J’ai parlé tout à l’heure d’accaparement. Entendons qu’il s’agit surtout, sinon exclusivement, des grands « trusts, » bien connus, les « Standard Oil, » « Mexican Eagle, » « Shell C°, » « Royal Dutch, » etc.. firmes énormes, soit américaines, soit anglaises, soit anglo-hollandaises. Le commissaire général aux combustibles, M. H. Bérenger, s’est trouvé dans la nécessité de traiter avec les deux plus puissantes, le « Standard Oil » (américaine), la « Royal Dutch » (anglo-hollandaise) : « il semble résulter de ces négociations, dit M. Jacques Jary, qu’il est plus facile de s’entendre avec la « Royal Dutch. » Le « Standard Oil » manifeste en général un esprit plus exclusif, moins de dispositions favorables à une entente de caractère permanent qui lui enlèverait dans une certaine mesure sa liberté avec l’État français, client unique pour la France. D’autre part, il serait retenu par des conventions occultes avec les importateurs français, conventions qu’on a toujours refusé de faire connaître et qui le lient évidemment au sort de ceux-ci… »

N’en disons pas davantage et bornons-nous à noter que la préférence qui paraît avoir été donnée à la « Royal Dutch » ne se justifie pas uniquement par sa complaisance relative et par la promesse qu’elle aurait faite de ravitailler complètement la France, si le « Standard Oil » ou d’autres firmes hésitaient à nous faire des envois[2]. Les pétroles de Sumatra, exploités par

  1. Le Havre, où, remarquons-le, le charbon anglais est à un prix relativement bas.
  2. A lire, dans le Matin du 8 mars dernier, de curieux renseignements sur les efforts qu’on fait, en Amérique, pour réserver, — à notre détriment, — les bateaux-citernes allemands à la « Standard Oil.