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ces menus incidents et ne cesse de s’y adapter, de s’y ajuster avec autant d’aisance que d’ingéniosité. Arrivent à leur tour les deux derniers convives, Jérôme Coiguard avec Jacquot, devenu son élève et son inséparable acolyte. C’est un rien, ce repas de quatre couverts. Et ce rien, que de fois, au théâtre, l’a-t-on déjà vu ! Mais on l’a, croyons-nous, entendu rarement avec plus de plaisir. Dans ce rien il y a vraiment beaucoup de musique, et de charmante. D’abord elle ne nous est pas ici, comme trop souvent aujourd’hui, mesurée au compte-gouttes. Elle coule de source, elle circule et se répand. Et puis elle est ordonnée, composée. Elle se partage entre deux ou trois « morceaux, » comme on disait autrefois : un quatuor, une chanson, un trio. Morceaux définis, mais non point isolés ; reliés ensemble par des rapports et des rappels, ils gardent cependant leur indépendance, et si quelque chose les unit, quelque chose aussi les distingue. Voilà bien des qualités, et toutes françaises. C’est en véritable scherzo qu’est traité le quatuor. Vocal et symphonique à la fois, aussi finement écrit dans les deux styles ou dans les deux manières, lesquelles s’accordent le mieux du monde, nous ne dirons pas de ce quatuor qu’il repose, mais bien plutôt qu’il se meut sur une idée unique, changeante cependant, que renouvellent, sans la dénaturer, des variantes ingénieuses de coupe, de mode et de ton. Suit une chanson, d’un rythme très différent, très carrée, d’allure quasi militaire. Et voici qu’aux derniers échos du quatuor, un trio répond et s’enchaîne. Sans avoir même forme ou même figure sonore, tous les deux sont de même nature ou de même race ; un seul esprit anime l’un et l’autre, quitte à donner au second, ainsi qu’il convient pour finir, plus de brillant et de flamme. Il ne serait pas impossible qu’un puritain, ou un puriste de la musique, trouvât à reprendre ici quelque vulgarité, l’air ou l’accent de Montmartre plutôt que de Trianon. Il est un peu libre, un peu débraillé, ce trio-valse. Je sais entre deux couplets une coquine de modulation, (de mi naturel en la bémol, soyons précis), plutôt risquée, j’allais dire « canaille. » Franchement, brutalement, elle plaque un ton contre l’autre Mais avec cela, ou malgré cela, peut-être à cause de cela, qu’elle a d’éclat et d’allégresse ! Comme elle fouette la chanson et la relance ! Quelle secousse et quelle impulsion nouvelle elle lui donne ! et puis, et surtout, ce que le tour mélodique pourrait avoir ici de vulgaire, est à demi, plus qu’à demi corrigé, sauvé même, dès les premières mesures, par la finesse et l’originalité des harmonies, par l’élégance alerte de l’accompagnement. Cette fois encore la musique, toute la musique, semble tourner. Elle