Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/716

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autour d’un tapis vert aurait, du reste, aggravé, plutôt qu’atténué, les défauts de la procédure adoptée. C’est déjà trop que, pendant de longs mois, les chefs de gouvernement aient été absorbés dans une besogne dont ils auraient pu, en grande partie, se décharger et qu’ils n’aient pas trouvé une minute pour parer aux périls économiques et financiers dont étaient menacés leurs pays.

Ajouterai-je que, s’il est écrit dans la Constitution que le Président de la République négocie les traités, il y est écrit, dans le même sens, qu’il nomme aux emplois civils et militaires et qu’il dispose de la force armée ? Mais la Constitution prend soin de préciser ensuite que tout acte du Président de la République doit être contresigné par un ministre, et, si ceci ne détruit pas cela, ceci, du moins, détermine et limite cela. Les ministères agissent au nom du Président de la République, comme, en Grande-Bretagne, ils agissent au nom de la Couronne ; mais ils sont seuls responsables vis-à-vis des Chambres et, comme le disait Jules Ferry après le Seize-Mai, la responsabilité parlementaire n’implique pas seulement l’autorité, elle suppose l’indépendance. Tant que la Constitution sera ce qu’elle est, — et ce n’est pas demain, sans doute, qu’elle sera révisée, — elle ne se prêtera pas à une application différente et le Président devra se confiner dans son rôle, souvent ingrat, d’arbitre et de conseiller.

Je m’explique très bien qu’en présence de la complexité prodigieuse des problèmes posés par la paix, les Premiers ministres alliés aient été tentés de chercher, dans des méthodes nouvelles, un moyen de simplifier et d’accélérer les négociations. Mais, sans me demander aujourd’hui plus longtemps s’ils ne se sont pas trompés de route, je me borne à dire qu’au carrefour où nous sommes arrivés, il convient de regarder d’un peu près les poteaux indicateurs. Est-ce par la voie du Conseil suprême, siégeant désormais en Angleterre, que nous parviendrons le plus sûrement à fortifier l’indispensable entente des Alliés ? Tous les jours éclate un incident, qui nous démontre l’inconvénient de persévérer dans cette direction. Aussi bien à Londres qu’à Paris, les Premiers ministres sont fatalement exposés, dans les réunions hâtives du Conseil suprême, à improviser les solutions et à prendre, d’emblée, des décisions sans appel, qu’une étude plus approfondie, ou un avis autorisé des spécialistes les oblige ensuite à regretter. Avant-hier, le Conseil suprême, justement inquiet des nouvelles qu’il recevait d’Asie Mineure, ne s’avisait-il pas de proposer à la Ligue des Nations le mandat de rétablir l’ordre