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culièrement forte, je dus menacer d’un débarquement de troupes françaises et de représailles sérieuses. J’obtins satisfaction.

Avant de présenter un exposé rapide des autres mesures prises et des opérations d’évacuation, je veux encore insister sur les difficultés qui provenaient de la situation politique.

Pendant toute la période du 6 décembre au 15 janvier, fin des transports de rapatriement, nous avons dû travailler au milieu de la révolution. Les émeutes se succédaient à Berlin. Le quartier de la Pariser Platz, qui est celui des ministères, était le centre des mouvements. Canons, mitrailleuses, bombes à gaz, rappelaient les journées du front. À plusieurs reprises, nous avons dû profiter d’intervalles entre deux escarmouches pour traverser l’avenue des Linden, nous rendant de l’ambassade à l’hôtel situé en face. Toujours d’ailleurs, on a facilité notre passage. J’ai dû même me défendre contre des excès de protection. Un matin, en arrivant à l’ambassade, je trouve le vestibule occupé par des hommes en armes. C’étaient des sauvegardes que chacun des deux partis avait tenu à m’envoyer. Les belligérants y faisaient trêve et échangeaient des cigarettes. Je dus expulser tout ce monde et exiger que la protection se confinât à l’extérieur. Mais les communications téléphoniques et télégraphiques étaient souvent interrompues et même détruites. Au bureau central, même lorsqu’il était aux mains des spartakistes, on a toujours fait le possible pour transmettre mes télégrammes en province, aux autorités locales ou à mes officiers des camps. Mais il fallait faire porter les dépêches au bureau par plantons, à travers la fusillade.

Au ministère de la guerre, le travail continuait en principe. Même quand l’émeute y régna, les officiers des bureaux pouvaient y venir pour travailler à la démobilisation, opération d’un intérêt général au-dessus des partis, et à l’évacuation des prisonniers. Mais quel rendement attendre de gens qui se sentaient menacés tous les jours, qui n’étaient plus payés ? Ils s’effondraient quand on les secouait. Heureusement je pouvais me passer d’eux, et je correspondais directement avec les autorités provinciales. Nous eûmes aussi deux fortes crises, l’une à Noël, au moment où commencèrent mes transports maritimes, et où je devais communiquer sans arrêt avec les ports et avec Copenhague, et l’autre, de beaucoup la plus grave, du 6 au 15 janvier, alors que mes transports par chemin de fer battaient