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comment finit la guerre.

Le chiffre des pertes allemandes n’est pas encore connu, mais on peut le calculer approximativement en se fondant sur le nombre des divisions qui ont combattu sur le front d’attaque et ont dû être relevées après usure complète. Le 1er avril, 43 divisions étaient en réserve en arrière ; 9 étaient en route pour le front français : 2 venant du front oriental, 7 de nouvelle formation. Les armées allemandes avaient donc 52 divisions disponibles. Le 22 avril, ce chiffre était réduit à 16 ; le 25 avril, à 12 ; le 4 mai, toutes les divisions avaient été engagées.

Il fallut puiser dans les secteurs tranquilles pour alimenter la bataille. Tout d’abord, les divisions retirées du front purent, avant de rentrer en secteur, prendre quelques jours de repos et se reconstituer. Ce fut bientôt impossible. L’usure s’accélérant dans des proportions incroyables, les débris des troupes retirées furent jetés, sans transition, sur le front de l’Argonne ou des Hauts de Meuse. C’est ainsi que la 2e division de la garde, écharpée du 5 au 10 mai sur le plateau de Californie, se retrouve le 18 mai en Argonne, et que la 28e division, relevée le 18, est identifiée le 25 devant Verdun. Ces divisions n’ont eu comme repos que le temps du déplacement.

Les mêmes constatations sont faites dans le détail sur le front anglais ; tout confirme l’extrême usure de l’armée allemande. Le 25 mai, 99 divisions avaient déjà figuré sur le front, dont 11 s’étaient présentées deux fois ; donc il y avait eu 110 passages de divisions. Or le chiffre des divisions allemandes qui ont pris part à la bataille de Verdun en 1916 est de 43 en dix mois ; en trois mois et demi, 137 avaient combattu sur la Somme. En 1917, l’usure était donc triple. Sans doute, le général Nivelle n’avait pas obtenu la percée qu’il avait espérée. Mais, grâce à l’étendue et à la vigueur de l’attaque, l’épuisement de l’adversaire était bien près d’être atteint. Les Alliés étaient en mesure d’en profiter, car, au moment où les réserves allemandes étaient entièrement consommées, 30 divisions restaient intactes du côté de l’Entente ; 16 françaises et 14 anglaises. Comme les Allemands avaient au total sur le front anglo-français 150 divisions contre 178 divisions franco-anglaises, le système des relèves se présentait bien plus favorablement pour les Alliés. On conçoit donc que le gouvernement et le commandement anglais aient insisté pour la continuation de l’attaque.