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rumeurs pessimistes qui agitaient l’opinion depuis un mois et provoquèrent dans l’armée des actes d’indiscipline collective ; certains corps refusent de se rendre aux tranchées, d’autres veulent partir pour Paris faire la révolution sociale et arrêtent à cet effet des trains ou des camions automobiles. En général, les mutins restent respectueux de leurs officiers tout en refusant de leur obéir ; ils élisent des représentants et constituent des soviets à l’exemple de l’armée russe dont la presse française les a longuement entretenus. Souvent, les délégués disent que la guerre a assez duré, qu’elle doit finir immédiatement et qu’ils vont aller le dire aux députés à Paris. Des généraux incapables ont fait massacrer leurs hommes. Pourquoi se battre, quand les ouvriers à l’arrière gagnent 15 et 20 francs par jour ? Puisqu’on ne veut pas attaquer et qu’on a disgracié les généraux à cause de la dernière offensive, pourquoi ne pas faire la paix immédiatement ?

Les premières mutineries ont éclaté après le 20 mai, dans des corps d’armée qui étaient au repos depuis plusieurs mois. Puis, c’est par leurs dépôts divisionnaires situés à l’arrière que les troupes du front sont contaminées ; la marche de la contagion de l’arrière vers l’avant est très nette, et elle s’exerce d’abord sur les troupes stationnées le plus près de Paris, qui doivent y venir proclamer la Révolution ; le mouvement est d’autant plus actif que la troupe est restée plus longtemps au repos, soumise aux impressions délétères de l’arrière. Il s’agit donc bien d’une action concertée longtemps à l’avance, et dont l’explosion est provoquée par l’arrêt de l’offensive et le changement de commandement, fatalement interprété comme un aveu de l’échec : les rapports aux diverses commissions parlementaires et à la commission d’enquête sur les opérations de l’Aisne (généraux Brugère, Foch, Gouraud) concordent pour l’établir avec les dépositions devant la Haute-Cour et plusieurs conseils de guerre.

Les mesures locales prises aussitôt suffirent à limiter le mal, dont il convient de ne pas exagérer l’importance et, malgré la multiplicité des foyers d’infection, il ne put se répandre. Le général en chef prit des mesures générales qui, dès le milieu de juin, empêchèrent le renouvellement de toute manifestation. Si le général Pétain n’obtint pas toutes les mesures qu’il réclamait après son prédécesseur, le gouverne-