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fonde pour cela sur des calculs plus ou moins hypothétiques de la fortune globale française : il prétend mesurer la part de cette fortune correspondant aux régions envahies d’après la portion du territoire qu’elles représentent. Or ce calcul est faux : car les départements du Nord et de l’Est qui ont été détruits tenaient dans l’agriculture et dans l’industrie françaises une place infiniment plus vaste. M. Keynes assure que les dommages de tout genre causés à ces régions ne dépassent pas 500 millions de livres sterling, alors que M. Dubois donne le chiffre de 74 milliards de francs, pour les dommages causés aux personnes et 136 milliards pour les pertes de biens. Il faut tout d’abord s’entendre sur le change auquel, dans cette discussion, on compte les francs par rapport à la livre sterling. M. Keynes fait cette transformation au pair de 25 francs, alors que le change actuel est de 65 francs ; c’est-à-dire que les 74 milliards de M. Louis Dubois correspondent à un peu plus d’un milliard et non pas à 2 600 millions de livres sterling. Il y a déjà là une différence formidable. Si on rétablit ainsi les équivalences, on voit que les écarts entre les chiffres de M. Keynes et les nôtres diminuent. Il est d’ailleurs évident qu’il faut calculer de la sorte : car c’est précisément la dépréciation du franc par rapport à la livre qui est une des causes du renchérissement général et qui fait que les sommes à dépenser pour reconstituer les régions envahies dépassent plusieurs fois celles auxquelles leur valeur était estimée en 1913. Comment s’étonner dès lors que M. Loucheur ait évalué à 10 milliards de plus que M. Louis Dubois, les dépenses nécessaires ? M. Keynes lui oppose l’étude d’un statisticien français qui comptait à 35 milliards la fortune totale des habitants de ces régions avant la guerre. Si le coût de la reconstitution est quadruple de l’ancienne valeur, l’invraisemblance de l’écart disparait.

M. Keynes veut nous prouver que l’Allemagne n’est pas en mesure de fournir le charbon qu’elle s’est engagée à livrer aux Alliés, à savoir : 7 millions de tonnes à la France par an pendant 10 ans ; 8 millions de tonnes par an pour 10 ans à la Belgique ; à l’Italie, des quantités croissant de 4 et demi à 8 millions et demi de tonnes pendant dix ans, et enfin, au Grand-Duché de Luxembourg, une quantité égale à celle que l’Allemagne lui vendait avant 1914. Le tout forme un ensemble d’environ 25 millions de tonnes par an. En 1913, la production