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çaise. Sans doute répondait-il aux inquiétudes désobligeantes de quelques pessimistes quand il écrivait : « Il n’y a pas de peuples jeunes et de peuples vieux. Il y a des peuples sains et des peuples malades. » Par là entendait-il dire que la France se sauverait en s’assainissant.

En attendant, il aimait renjplir, au delà même des exigences de la loi commune, ses obligations militaires. Officier de réserve, dont nous connaissions, par de vibrants a sovenirs de manœuvre, » les sentiments cordiaux, il l’était resté bien après tous ses contemporains, ne s’étant résigné qu’en 1913 à rejoindre ceux-ci dans la « territoriale. » À le voir en campagne, j’ai eu l’impression que, hors de l’action ardente, il se trouvait toujours mal à l’aise. Je ne l’ai jamais vu si heureux qu’après une mission périlleuse accomplie.

On eut cependant raison de résister à ses requêtes quand, affecté aux services d’Etat-Major, il sollicitait un poste dans la troupe. Un Henry Bordeaux, entraîné par trente ans d’observation à l’intelligence des choses et des hommes, peut rendre, en d’autres situations, de bien autres services ! Mais jamais il ne se résignera à s’y tenir. Le 27 septembre 1916, le capitaine Bordeaux sera titularisé dans la Légion d’honneur et cité à l’ordre, pour « s’être offert volontairement, le 9 mars 1916, pour accomplir une mission particulièrement dangereuse qu’il a exécutée sous un bombardement violent, » — c’était devant Verdun, — et le 30 novembre 1917, il sera cité derechef, par un chef qui s’entend en courage, le général Maistre, pour avoir, les 22 et 23 octobre 1917, « en partageant en tous points la vie, les fatigues et les périls » du 4e zouaves jeté à l’assaut du fort de Malmaison, fait « l’admiration de tous par son sang-froid et son courage. » Aucune de ces deux citations n’a étonné ceux qui, comme moi, l’ont si souvent vu courir spontanément au-devant du danger.

Sa lettre de service le plaçait, dès les premiers jours, dans le service des chemins de fer. À la gare de Bercy où il présidait à l’embarquement de tant de bataillons et de batteries, il fut l’un des mille rouages de cette formidable machine qui devait agir jusqu’au surmenage pour qu’aucun à-coup ne se produisît. Pendant dix-huit jours et dix-huit nuits, il travaillait soutenu par l’enthousiaste confiance que lui inspirait le spectacle d’une admirable discipline consentie, génératrice de vic-