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de prison. La foule qui donnait l’assaut à la salle d’audience, acclama l’avocat du « Dauphin » et accueillit le prononcé de l’arrêt « par des marques de dépit et d’indignation. » Une quête au profit du condamné fut « d’un produit considérable » et, riche d’argent et de bijoux, il fut écroué à la maison de détention. Le désespéré Savine, surnommé par les initiés « le Blondel français, » vivait dans l’angoisse : très renseigné, il savait que Fouché ne laisserait pas « le fils de Louis XVI » achever paisiblement son temps de prison : il redoutait la déportation, pis peut-être, et avait organisé une surveillance aux abords de la geôle afin d’être le premier informé de tout préparatif suspect.

N’avait-il point résolu d’enlever son prince bien-aimé aux gendarmes ! Il attend ainsi durant quatre mois, couchant parfois dans un fossé de la route pour être sûr de ne pas manquer le passage de son idole : le 24 août 1802, il apprend qu’Hervagault est parti pour Soissons « où il est appelé à déposer comme témoin dans une affaire criminelle. » L’ancien évêque se lance à sa poursuite : il arrive à Soissons en même temps qu’Hervagault, court à la prison, sollicite l’autorisation d’y pénétrer ; comme elle lui est refusée, il dépose, entre les mains du concierge, un louis d’or pour le détenu. Son émoi, son insistance éveillent les soupçons : on demande son nom, sa profession : — « Ancien évêque de Viviers. » Il est conduit à la sous-préfecture ; son passeport, qu’il doit exhiber, le désigne sous la qualification d’employé : on arrête l’ex-prélat qui entre ainsi dans la prison dont on vient de lui refuser la porte. Seulement Hervagault n’y fait que passer ; le soir même il est ramené à Reims. Ravine demeure incarcéré à Soissons jusqu’au jour où il est expédié à Paris, interrogé ; — il déclare nettement « qu’il croit son pupille le fils de Louis XVI, fondant son opinion sur les renseignements qu’il a recueillis depuis qu’il est à la recherche de l’origine de ce jeune homme. » Sur quoi il est envoyé à Charenton ; et, pour comble d’infortune, cette escapade a rappelé l’attention de Fouché sur le Dauphin de la Marne : curieux de voir cet adolescent qui, partout où il passe, suscite des dévouements si ardents, il donne l’ordre d’amener Hervagault à Paris. Dans la nuit du 12 au 13 septembre 18U2, la gendarmerie vient lever l’écrou du prisonnier : il est conduit de brigade en brigade vers la Capitale : il passe à Soissons le 14 ; le 15 à Villers-Cotterets ; le 18, en arrivant au Bourget, il est