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communication des peuples y est si grande, qu’ils ont absolument besoin d’une langue commune. » On ne rappellerait même pas le discours de Rivarol sur la langue française, — tant le thème est devenu banal, — s’il ne s’agissait d’établir, ici encore, notre droit d’incontestable priorité. Ce ne sont pas les Français, c’est l’Académie de Berlin qui a voulu rechercher, en 1784, les raisons qui avaient fait de la langue française « la langue universelle de l’Europe. »

Elle parlait au passé, considérant le fait comme accompli : il n’y avait plus à discuter, mais à expliquer seulement. L’habitude était si bien établie, en effet, la marque était si profonde, que le XIXe siècle n’a jamais oublié tout à fait cette « universalité » du français, et ne s’est jamais soustrait entièrement à ses conséquences. Le français est toujours resté, d’une part, la langue de la culture : partout, même dans les pays où l’on est pour nous le moins tendre, savoir le français montre qu’on fait partie d’une élite, qu’on est allé à l’école, qu’on connaît à quelque degré ses humanités modernes. Il est resté, d’autre part, la langue des communications inter-européennes. Vous entendez toujours les guides qui le balbutient, pour expliquer des tableaux italiens à des voyageurs anglais ; vous voyez toujours les auteurs étrangers demander à la France l’élan qui les poussera de par le vaste monde ; vous lisez toujours des journaux et des revues qui, bon gré mal gré, se rédigent en français pour atteindre un public plus large que celui de leur village ou de leur province : le français ne sert-il pas, notamment, à la propagande anti-française ? Il faut bien se faire comprendre ; et l’explication est toujours la même. Celle-ci nous vient, en l’espèce, d’un des dirigeants du mouvement intellectuel en Catalogne, tout acquis d’ailleurs à notre culture : « La tendance européisante du catalanisme est la force qui a le plus contribué, dans ces dernières années, à l’expansion du français… » Le mot est bien dit : la tendance européisante de chaque pays d’Europe continue à faire la force du français.

Seulement, des rivales ont surgi ; elles se sont fortifiées ; elles ont réclamé leur place au soleil. Dans les congrès scientifiques, dans les réunions internationales chargées d’assurer l’application uniforme de mesures utiles à toute l’humanité, le français régna seul d’abord. Ensuite il dut se restreindre au profit de l’anglais ; ensuite au profit de l’allemand. Puis toutes