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et dans son usage international ; nous acceptons volontiers, dès lors, que la guerre « mette les Français à la place qui répond aux circonstances réelles… »

À tant de raisons qui semblaient devoir nous favoriser, ajoutons cette raison encore. Tandis que s’atténuaient ou que disparaissaient les rivalités avouées et les inimitiés profondes, les sympathies s’accroissaient. La langue qui, au dix-septième siècle, au dix-huitième, à la Révolution, a formulé l’idéal humain, a proclamé maintenant les revendications de la justice contre la violence. À son appel, « des hommes libres de toutes les nations du monde, » suivant la belle expression gravée désormais sur la pierre, in memoriam, « s’enrôlèrent pour la France et le Droit. » S’ils ont voulu combattre pour empêcher que la France ne mourût, n’était-ce pas surtout pour sauver ses attributs moraux ? N’ont-ils pas défendu sa langue menacée, en même temps qu’ils défendaient les idées qu’elle exprimait ; et ne l’ont-ils pas chérie davantage ? Rentrés dans leur pays d’origine, et se souvenant de ce qu’elle a représenté pour eux, ne l’ai nieront-ils pas d’un amour plus actif ? Parce qu’elle a analysé et clarifié les principes de l’action commune, parce qu’elle les a formulés si souvent, avec tant de lucidité et de force ; parce qu’elle les a portés jusqu’aux contins du monde, de façon que cette guerre s’est transformée en une croisade universelle, la langue française a eu sa part dans la lutte et dans la victoire. S’abusera-t-on, si on espère que quelque gratitude se mêlera à son emploi ? Tous ont acquis assez de mérites, pour que personne ne soit jaloux ; et aucun pays ne se croira lésé sans doute, si le monde qui s’élabore à nouveau récompense le plus grand sacrifice par un peu plus d’amour.

Et toujours, par des chemins différents, nous revenons à la même conclusion. Il semble que la guerre ait dû favoriser de multiple façon la théorie de « l’universalité » de la langue française : universalité modeste, qui ne ressemble en rien à une tyrannie, puisque nous professons d’abord le respect de toutes les langues nationales, et que nous nous contentons de nous offrir en second, pour les cas où un lien intersocial est manifestement nécessaire. À moins que les obstacles ne nous viennent de nos Alliés mêmes : ce qui serait, en vérité, paradoxal.