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que l’expérience a été déjà faite, qu’elle se fait tous les jours. Dans l’étroit espace que représente la seule association française pour la Société des Nations, les inconvénients d’une rédaction en plusieurs langues, ou seulement en deux langues, éclatent : le contrôle d’un texte français par un texte anglais laisse dans l’incertitude : de la comparaison sort plus souvent l’obscurité que la lumière. Deux versions ne sauraient faire loi en même temps. À plus forte raison faut-il une langue unique pour la grande association où tous les peuples voisineront. En conséquence, il proposait à l’association d’émettre le vœu que la langue française fût adoptée comme langue officielle par la Société des Nations. — Vint le moment où la demande fut présentée à la commission de la Ligue, dans la séance du 11 avril 1919, présidée par M. Wilson. La délégation française, reprenant tous les motifs antérieurs, insistait avec raison sur ce point essentiel, que la France n’émettait aucune prétention nouvelle : elle demandait seulement « que l’héroïsme de ses soldats ne pût être considéré comme une cause de diminution de son prestige dans le monde. » La Commission se déclara incompétente, et renvoya la motion à la Conférence de la Paix elle-même, quand elle fonctionnerait. C’était un échec.

L’anglais triomphe. Dès avant la guerre, pour répondre enfin à ce besoin toujours plus impérieux de s’entendre entre les hommes, de bons esprits avaient préconisé un projet d’union avec le français, dans les conditions que voici. Il y avait, d’une part, la langue la plus répandue sur la surface du globe, régnant en Amérique, régnant en Australie, régnant dans les colonies ; langue du commerce, langue des affaires, langue des mers. Il y avait, d’autre part, la langue des aristocraties, servant aux relations internationales d’ordre supérieur ; langue de la diplomatie, langue de la culture européenne ; héritière des qualités du latin, et continuant son rôle. Pourquoi ces deux langues ne s’uniraient-elles pas ? Pourquoi ne se compléteraient-elles pas l’une par l’autre ? Une manière de convention serait passée entre l’Angleterre, les États-Unis, la France : l’anglais deviendrait obligatoire dans l’enseignement, en France : et pareillement, le français en Angleterre et aux États-Unis. Ainsi les deux langues auraient ensemble la prépondérance dans l’univers. — Ce projet était encore à l’état de discussion théorique et lointaine. Voici que la guerre a changé les